Le chef de l'OTAN, Jens Stoltenberg, s'est inquiété jeudi du «renforcement militaire substantiel» de la Russie en Syrie, tout en encourageant le dialogue entre Moscou et Washington pour combattre les djihadistes de l'État islamique (EI).

Dans une interview à l'AFP, M. Stoltenberg a aussi déploré que la Russie continue de maintenir «une forte présence» dans l'Est de l'Ukraine pour soutenir les rebelles séparatistes.

Il a jugé que l'Union européenne devait prolonger ses sanctions économiques tant que Moscou ne changerait pas d'attitude, lors d'un entretien au siège de l'Alliance à Bruxelles.

Mais ce sont les récents agissements de la Russie en Syrie qui «inquiètent» particulièrement M. Stoltenberg, qui a pris ses fonctions de secrétaire général de l'OTAN il y a un an.

Les Occidentaux, à commencer par les États-Unis, s'alarment d'un engagement militaire accru de Moscou, notamment autour de Lattaquié, le fief du président Bachar al-Assad que la Russie défend bec et ongles depuis le début du conflit en 2011.

«Je peux confirmer qu'il y a un renforcement militaire de la Russie en Syrie avec différents types de matériel, des avions, des avions de chasse, des systèmes de défense aérienne, de l'équipement très moderne», a détaillé M. Stoltenberg.

«Il est trop tôt pour dire ce qu'ils vont exactement faire là-bas, mais c'est bien sûr un sujet d'inquiétude», a-t-il insisté.

«Je pense que la première étape (pour la Russie, NDLR) doit être de s'asseoir avec les États-Unis, de dire clairement quelles sont ses intentions et d'essayer de coopérer avec une contribution constructive aux efforts menés par les États-Unis dans la lutte contre l'EI», a affirmé M. Stoltenberg.

«Je suis inquiet, car il y a également un risque que ces forces (russes) vont être utilisées pour soutenir le régime d'Assad», a-t-il expliqué.

«Rôle constructif»

Si le patron de l'OTAN «encourage la Russie à jouer un rôle constructif et coopératif dans la lutte contre l'État islamique», il l'exhorte «à ne pas soutenir le régime d'Assad, car le régime d'Assad fait partie du problème», réitérant la position des  Occidentaux qui ont jusqu'à récemment appelé sans équivoque au départ préalable à toute transition politique du président syrien.

Toutefois, l'activisme russe en Syrie bouscule ce consensus, la perspective d'un dialogue avec Bachar al-Assad étant de plus en plus évoquée.

La Russie justifie son engagement militaire accru par la nécessité de lutter plus efficacement contre l'EI, qui contrôle de vastes pans du territoire syrien.

Le groupe extrémiste sunnite représente la principale menace à la stabilité du Moyen-Orient, estime Moscou, qui critique le manque de résultats des frappes aériennes de la coalition internationale conduite par les États-Unis.

M. Stoltenberg a salué «le fait qu'il y a au moins eu quelques contacts» entre les États-Unis et la Russie, prenant acte des multiples échanges entre les chefs de la diplomatie John Kerry et Sergueï Lavrov.

La semaine dernière, le ministre de la Défense russe Sergueï Choïgou et son homologue américain Ashton Carter se sont parlés pour la première fois depuis la prise de fonctions de ce dernier en février, afin d'éviter tout risque d'incident entre les forces russes et les avions de la coalition anti-EI.

Damas s'est empressé d'y voir les signes d'un «accord tacite» entre les deux puissances pour «trouver une solution à la crise syrienne», à l'origine de l'afflux de centaines de milliers de réfugiés en Europe.

À propos de l'implication de la Russie cette fois dans le conflit dans l'Est de l'Ukraine, M. Stoltenberg a estimé qu'il «est très difficile de faire la distinction entre les séparatistes et les Russes».

«On parle vraiment des mêmes forces», a observé l'ancien Premier ministre norvégien, qui s'est rendu pour la première fois en Ukraine en début de semaine, tout en qualifiant de «signal encourageant» la trêve observée sur la ligne de front depuis début septembre.

Interrogé sur les lourdes sanctions décrétées par les Européens contre Moscou, qui arriveront à échéance fin janvier, il a rappelé les «conditions» posées par l'UE pour les lever, à savoir que «la Russie doit changer de comportement». Au vu de la situation actuelle, «il faut que les sanctions continuent», a-t-il conclu.