Les trois jeunes arrêtés en France pour avoir échafaudé l'attaque d'un site militaire et la décapitation d'un officier au nom du djihad avaient engagé leur projet sur l'instruction d'un combattant du groupe État islamique (EI) en Syrie, selon la justice française.

Le parquet de Paris a requis vendredi le placement en détention des trois suspects âgés de 17 à 23 ans, dont un ancien militaire.

Les trois suspects ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi et placés en détention provisoire, a appris l'AFP de source judiciaire.

Interpellés lundi matin, les jeunes gens de 17, 19 et 23 ans ont passé quatre jours en garde à vue avant d'être présentés à un juge d'instruction qui les a mis en examen du chef d'association de malfaiteurs terroriste criminelle, selon la même source.

Lors de son interrogatoire, le benjamin du trio, Ismaël K., a reconnu un «contact» avec «un individu actuellement en Syrie dans les rangs de l'EI» qui lui a donné pour consigne «de "frapper sur place en France"», a indiqué le procureur de Paris, François Molins.

Des échanges ont suivi avec les deux autres suspects, Antoine F. et Djebril A, au cours desquels ce dernier, ancien de la Marine française, a «suggéré de s'attaquer à une cible qu'il connaissait pour y avoir été affecté», le Fort Bear, une installation militaire près de Perpignan (sud).

Selon les dires d'Ismaël K., «tous trois projetaient de tuer les militaires présents, décapiter le responsable du site, filmer l'ensemble de la scène et prendre la fuite en Syrie», a expliqué le magistrat.

D'après Djebril A., ils envisageaient «de passer à l'acte de nuit, fin décembre-début janvier, le site étant moins surveillé à cette période», a précisé François Molins, sans établir de lien avec la proximité de l'anniversaire des attentats de Paris (17 morts) du 7 au 9 janvier.

Le Fort Bear est un site de la Marine française qui domine la Méditerranée à Port-Vendres, sur les hauteurs de Collioure. Il abrite le centre national d'entraînement commando de l'armée française.

Engagé dans la Marine en juin 2013, Djebril A., le plus âgé des suspects, y a été en poste comme guetteur. Selon une source proche du dossier, il souffrait de problèmes de santé et a pu y «nourrir une rancune personnelle contre le chef de détachement».

«Multipliant les arrêts de travail à partir du printemps 2014, il a finalement été réformé pour troubles d'adaptation au métier de militaire et son contrat avec l'armée a pris fin en janvier 2015», a détaillé le procureur Molins.

«Investi d'une mission»

Selon le magistrat, il a expliqué durant sa garde à vue «s'être senti investi d'une mission au service de l'EI et vouloir répondre aux consignes de cette organisation terroriste en attaquant une cible en France».

Les militaires sont une cible récurrente des djihadistes en France, pays engagé sur plusieurs fronts (Sahel, Irak) dans la lutte contre les islamistes. Trois d'entre eux notamment avaient été assassinés en 2012 par Mohamed Merah, auteur par la suite d'une tuerie dans une école juive de Toulouse (sud-ouest)

Les trois jeunes, issus de régions différentes, avaient lié connaissance via les réseaux sociaux. Ils nourrissaient pour projet initial de partir en Syrie mais la radicalisation d'Ismaël K., signalée par sa mère, avait déclenché une surveillance qui les avait amenés à renoncer à ce départ.

Tous trois avaient «en commun, au-delà de leur jeune âge, de n'avoir jamais été condamnés, d'avoir un niveau baccalauréat et de s'être fortement radicalisés, en particulier par le visionnage de vidéos de l'EI», a souligné le procureur Molins.

Leur arrestation s'était faite en toute discrétion lundi à l'aube dans le nord de la France, où résidait Ismaël K, dans une banlieue cossue de l'ouest de Paris pour Antoine F., et à Marseille (sud) pour Djebril A.

Mais le président français François Hollande a pris de court les responsables de l'antiterrorisme en révélant mercredi que «des actes terroristes» venaient d'être déjoués.

Cette précipitation a valu à l'exécutif socialiste des critiques dans la presse et dans l'opposition de droite, dénonçant une «communication politique» du pouvoir à l'encontre de l'unité nationale qui a prévalu en matière de lutte antiterroriste depuis les attentats de Paris.

Selon le ministère de l'Intérieur, 1850 Français ou résidents du pays «sont aujourd'hui impliqués dans des filières djihadistes, dont près de 500 en Syrie ou en Irak».