Le premier ministre irakien a accusé mardi la communauté internationale d'«échec» face au groupe armé État islamique, avant d'exposer à Paris devant la coalition internationale sa stratégie pour reconquérir les territoires tombés aux mains des djihadistes.

«Je pense que c'est un échec de la communauté internationale», a lancé Haider al-Abadi lors d'une conférence de presse avant de rencontrer au ministère français des Affaires étrangères une vingtaine de ministres et de représentants d'organisations internationales membres de la coalition contre le groupe armé État islamique.

Depuis un an, et malgré quelque 4000 raids aériens de la coalition menée par les États-Unis, ce groupe de radicaux sunnites ultra-violents continue d'avancer et d'engranger les victoires en Irak et en Syrie, contrôlant de vastes pans de territoire à cheval entre les deux pays.

«Concernant le soutien à l'Irak, il y a beaucoup de mots, mais peu d'actions sur le terrain», a fustigé M. al-Abadi, citant notamment les problèmes de son pays pour obtenir armes et munitions afin de combattre les djihadistes.

M. Abadi devait expliquer à ses alliés de la coalition sa stratégie pour reprendre les territoires irakiens sous contrôle djihadiste, particulièrement dans la province occidentale d'Al-Anbar.

Soulignant que le nombre de combattants étrangers dans les rangs de l'EI était de plus en plus important - 60 % selon lui -, il a lancé : «Il y a un problème international, il doit être résolu».

«Nous devons avoir une explication sur le fait que tant de terroristes viennent d'Arabie saoudite, du Golfe, d'Égypte, de Syrie, de Turquie et de pays européens», a-t-il martelé.

Quelle stratégie face à l'EI? 

La stratégie à adopter face au groupe armé État islamique est au coeur de la réunion de Paris.

«Ce que nous devons faire aujourd'hui est d'évaluer les progrès effectués depuis la dernière rencontre de la coalition à Londres il y a six mois, de voir ce qui doit être fait, ce qui marche, ce qui ne marche pas, et de prendre au sein du groupe des décisions sur les prochaines étapes de ce processus de reconstruction des forces irakiennes sur le terrain», a expliqué le chef de la diplomatie britannique Philip Hammond à la chaîne de télévision Sky News.

Jusqu'à présent, la coalition mène des raids et tente de former des soldats irakiens ou des rebelles modérés syriens pour l'action au sol.

Mais les raids ont peu de prise sur les «camions bombes» de l'EI et les efforts de formation n'ont pas empêché une récente débâcle de l'armée irakienne à Ramadi, capitale de la province d'Al-Anbar, tombée aux mains des djihadistes le 17 mai.

Les plans irakiens pour la reconquête de cette ville devaient être abordés lors de la rencontre de Paris, a affirmé lundi un responsable américain sous couvert d'anonymat.

«Nous sommes en train de bouger sur Ramadi et dans Al-Anbar, nous sommes en train de bouger sur Mossoul», la grande ville du nord de l'Irak dont la prise en juin 2014 a marqué le début de la fulgurante offensive des djihadistes, a assuré M. Al-Abadi.

«Souvenez-vous qu'il y a quatre mois, des parties de l'ouest de Bagdad étaient sous le contrôle de DAECH (acronyme arabe de l'EI, NDLR). Nous avons nettoyé cette zone, nous l'avons rendue aussi sûre que possible militairement, mais il y a toujours - il y en a aussi dans les capitales occidentales - des cellules dormantes qui peuvent frapper à tout moment», a-t-il ajouté.

Les Irakiens espèrent pouvoir mobiliser les tribus sunnites pour reconquérir la province d'Al-Anbar, mais Bagdad doit également reprendre rapidement le contrôle des milices chiites qui ont pour l'heure assumé l'essentiel des combats pour contenir l'avancée de l'EI.

Ce rôle des milices chiites - soutenues par Téhéran - inquiète Washington.

Les frappes «ne suffisent pas»

Dans l'une des attaques les plus meurtrières cette année en Irak, 37 personnes ont été tuées lundi dans une attaque-suicide contre une base de la police dans la province irakienne de Salaheddine (nord-ouest).

L'attaque a été revendiquée mardi par l'EI qui a indiqué qu'elle avait été menée par trois kamikazes, un Somalien, un Tadjike et un Syrien.

La Syrie, ravagée par la guerre depuis plus de quatre ans, et où l'EI contrôle près de la moitié du territoire, devait également être abordée lors de la réunion de Paris.

«On a une situation qui a beaucoup évolué depuis neuf mois, on fait aussi face à un affaiblissement très net du régime syrien... C'est dans cette situation militaire qu'intervient la réunion, ça impacte nos discussions», a souligné une source diplomatique française.

Paris ne participe pas aux frappes de la coalition en Syrie et insiste pour une solution politique sans le président syrien Bachar al-Assad, qu'elle considère comme le principal responsable des 220 000 morts en Syrie depuis mars 2011.

Pour sa part l'Iran, impliqué dans la lutte contre l'EI, mais qui ne fait pas partie de la coalition, a prévenu qu'il continuerait à soutenir le régime d'Assad «jusqu'à la fin» du conflit.