L'offensive des forces irakiennes pour reprendre Tikrit au groupe Etat islamique (EI) a été suspendue en raison de la multitude d'engins explosifs disséminés par les djihadistes assiégés dans cette ville clé du nord du pays.

Parallèlement, en Syrie voisine, l'agence de presse officielle Sana a affirmé que l'armée de l'air avait abattu un drone américain qui survolait la région de Lattaquié (nord-ouest).

À Tikrit, l'opération lancée le 2 mars par des milliers de soldats, policiers, miliciens notamment chiites, membres des forces kurdes ou de tribus sunnites, a permis d'encercler les djihadistes. Mais les déloger de la ville s'avère beaucoup plus compliqué.

«Ils ont posé des bombes partout, dans les rues et les bâtiments, sous les ponts. C'est à cause de cela que nos forces ont été stoppées», a expliqué mardi à l'AFP Jawad al-Etlebawi, porte-parole de la milice chiite Asaïb Ahl al-Haq (la Ligue des vertueux, en arabe) qui participe activement à l'opération.

Selon des officiers, l'EI a piégé des maisons et creusé des tranchées dans la capitale de la province de Salaheddine, située à 160 km de Bagdad.

«La bataille pour reprendre Tikrit sera difficile», a ajouté le porte-parole. «Nous avons besoin de forces formées à la guerre en zone urbaine pour mener l'assaut» contre cette ville conquise par l'EI en juin 2014.

Dès lundi, le ministre irakien de l'Intérieur Mohammed al-Ghabbane avait annoncé la suspension de l'offensive gouvernementale, sa plus importante depuis la débandade de l'armée mi-2014, qui avait permis à l'EI de conquérir de vastes territoires au nord et à l'ouest de Bagdad.

Selon lui, les combats ont été suspendus pour «limiter les pertes» et protéger les infrastructures, sans préciser en quoi s'en tenir à un siège prolongé permettrait d'atteindre ces deux objectifs, à moins que les forces irakiennes n'obtiennent un appui extérieur supplémentaire, aérien notamment.

Le général Abdelwahab al-Saadi, l'un des principaux commandants pour cette opération, avait déploré dimanche l'absence d'appui aérien de la coalition internationale dirigée par les États-Unis dans cette bataille, alors que celle-ci poursuit ses frappes dans le reste du pays, avec 12 raids entre lundi et mardi.

Plus le siège de Tikrit se prolonge, plus les civils souffriront. Selon un porte-parole du Croissant rouge local, Adnan Younis, seuls 20% des Irakiens habitant Tikrit avant le conflit y vivent toujours, soit «pas plus de 30 000 personnes». Ces derniers restent «car ils n'ont pas assez d'argent pour partir, pas de voiture, ils sont handicapés ou bien choisissent de coopérer avec l'EI».

Damas affirme que son aviation a abattu un drone américain

L'armée de l'air syrienne a abattu un drone américain qui survolait la région de Lattaquié, un bastion du président Bachar Al-Assad dans le nord-ouest du pays, a affirmé mardi l'agence de presse officielle syrienne Sana.

Si cette information était confirmée, ce serait la première fois que Damas frappe un appareil américain dans son espace aérien depuis qu'une coalition internationale dirigée par les États-Unis a débuté une campagne de frappes contre le groupe djihadiste État islamique (EI) dans le pays en septembre 2014.

Le régime a dans le même temps été accusé d'avoir mené une frappe au gaz de chlore, qui a tué six personnes alors que le conflit est entré dimanche dans sa cinquième année sans aucun espoir de sortie de crise.

«L'armée de l'air syrienne a abattu un avion de surveillance américain hostile au nord de Lattaquié», a assuré Sana, sans autre précision dans l'immédiat.

Washington n'a pas réagi dans l'immédiat à cette annonce.

La Syrie, qui ne participe pas aux frappes de la coalition, n'avait jusqu'ici engagé aucune action contre les appareils de l'alliance circulant dans son espace aérien.

Le ministre syrien des Affaires étrangères avait indiqué l'an passé que Washington s'était engagé à ce que les frappes ne visent pas l'armée syrienne.

Les raids de la coalition se concentrent essentiellement sur les provinces d'Alep et de Raqqa, où l'EI compte des bastions.

L'EI est quasi absent de la province de Lattaquié, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Mais des combattants du Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, sont actifs dans cette région côtière, une place forte de la communauté alaouite, la confession du président Bachar al-Assad.

Selon l'OSDH, les raids de la coalition ont tué plus de 1600 personnes en Syrie, en grande majorité des djihadistes de l'EI.

Attaque au chlore en Syrie

L'armée irakienne avait déjà tenté de reprendre par trois fois, en vain, la ville d'origine de l'ex-dictateur Saddam Hussein. Des commandants ont affirmé de façon récurrente qu'ils étaient sur le point de lancer l'assaut - mais la ligne de front n'a pas bougé depuis des jours.

L'EI a annoncé mardi avoir décapité quatre hommes recrutant des volontaires pour combattre au côté des forces gouvernementales dans la province de Salaheddine.

Depuis sa percée fulgurante en Irak il y a neuf mois, le groupe extrémiste sunnite impose sa loi et multiplie les atrocités dans les régions sous son contrôle, comme sur les territoires conquis en Syrie à la faveur du conflit ayant éclaté il y a quatre ans entre le régime et des rebelles.

Dans ce pays, des opposants et l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) ont accusé le régime d'avoir mené une attaque au gaz qui a tué six personnes, dont trois enfants, lundi soir dans la province d'Idleb.

«Trois enfants, leur mère, leur père et leur grand-mère sont morts asphyxiés (par des gaz) après une attaque aux barils d'explosifs menée par le régime contre leur village», a précisé l'OSDH, basé en Grande-Bretagne, mais qui s'appuie sur un important réseau de sources syriennes, dont des médecins.

Des militants ont publié des photos de victimes peinant à respirer, et accusé le régime d'avoir eu recours au chlore.

Plusieurs cas d'utilisation du chlore par les djihadistes, qui le récupèrent principalement dans les stations d'épuration ou dans des bombes artisanales, ont également été évoqués en Syrie et en Irak.

Si l'information se confirme concernant le drone abattu, ce serait la première fois que Damas frappe un appareil américain dans son espace aérien depuis le début des frappes de la coalition internationale contre l'EI en Syrie en septembre 2014.