L'ONU a dénoncé samedi la «destruction» de la cité antique de Hatra dans le nord de l'Irak par le groupe djihadiste de l'État islamique (EI) qui depuis plusieurs semaines s'emploie à démolir les trésors du patrimoine irakien.

Dans le même temps, les combattants de ce groupe ultraradical résistent à l'offensive, entrée dans son sixième jour, des forces irakiennes pour reprendre la ville de Tikrit, située entre Bagdad et Mossoul dans le nord de l'Irak.

Soumis à la pression conjuguée des forces irakiennes au sol et de la coalition internationale dans les airs, l'EI multiplie exactions, destructions et pillages dans les zones sous son contrôle notamment dans la région de Mossoul et ses environs.

Après avoir réduit en miettes d'inestimables collections du musée de Mossoul, puis les joyaux architecturaux de Nimroud, ville phare de l'empire assyrien, l'EI s'en est pris à Hatra, une cité vieille de 2000 ans inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO située à 100 km au sud de Mossoul, selon l'UNESCO.

«La destruction de Hatra marque un tournant dans l'effroyable stratégie de nettoyage cultuel en cours en Irak», a dit dans un communiqué la directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova.

Ce sont «des sources officielles» qui ont rapporté «la destruction du site du patrimoine mondial de Hatra», a ajouté le communiqué.

Le ministère irakien du Tourisme et des Antiquités a lui aussi condamné la «destruction» de Hatra, sans néanmoins être en mesure de confirmer cette information colportée par des médias kurdes irakiens.

Bataille de Tikrit 

Selon un parlementaire de la province de Ninive (nord), Mohammed Nouri, «jusqu'à présent on ne peut pas affirmer de source sûre que Hatra a été détruite. Hatra est quelque peu isolée, et il n'y a pas d'habitants dans les environs. Je n'ai entendu parler d'une personne qui aurait été témoin des destructions».

L'ONU avait qualifié ces destructions de «crimes de guerre» et d'une «attaque contre l'Humanité».

Hatra, comme Nimroud, se situe entre Mossoul et Tikrit, ville autour de laquelle des dizaines de milliers de membres des forces irakiennes sont déployés depuis lundi dans la plus grande contre-offensive jamais lancée depuis l'assaut de l'EI en Irak en juin 2014.

Pour le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey, il ne s'agit que d'une question de temps pour reprendre Tikrit notamment grâce à la mobilisation de quelque «23 000» soldats et miliciens déployés face à des «centaines» de combattants de l'EI.

S'adressant à des journalistes dans l'avion qui l'a mené à Bahreïn, avant un passage prévu en Irak, il a aussi mis en avant la campagne aérienne de la coalition internationale dirigée par Washington contre des positions de l'EI ailleurs en Irak.

M. Dempsey est en outre attendu sur le porte-avion français Charles de Gaulle, qui croise dans le Golfe dans le cadre de cette coalition.

En six jours de combats pour la bataille de Tikrit, le gouvernement irakien n'a fourni aucun bilan, mais des habitants de localités proches ont fait état de passages réguliers de convois transportant des victimes.

Dans une vidéo diffusée sur des comptes Twitter pro-EI, on peut voir les corps de sept hommes, décrits comme des «pro-gouvernementaux», pendus à un pont à Hawija, à 75 km au nord-est de Tikrit.

Soldat canadien tué 

Les forces armées se rapprochaient de Tikrit en certains endroits. Il y a des «combats acharnés» dans la cité d'Al-Dour, à 20 km au sud de Tikrit, «avec le soutien aérien de l'armée», selon l'armée.

Sur le front ouest, dans la province d'Al-Anbar contrôlée en partie par l'EI, la coalition a mené 26 frappes ces deux dernières semaines, contribuant à bouter les djihadistes hors d'Al-Baghdadi, localité proche de la base aérienne d'Al-Assad où 300 militaires américains entraînent les forces irakiennes, selon l'armée américaine.

Plusieurs pays ont envoyé des soldats au sol en Irak, afin de former les forces locales. Un soldat canadien a été tué et trois blessés vendredi, après avoir été «pris par erreur pour cible par les forces kurdes», selon le ministère canadien de la Défense.

Toujours à Al-Anbar, une offensive a été lancée cette semaine pour reprendre Karma, à une dizaine de km au nord-est de Fallouja, un bastion de l'EI.

Les principaux sites détruits par les djihadistes en Irak

- HATRA

Fondée il y a plus de 2000 ans, Hatra est une ville fortifiée  particulièrement bien conservée, située dans la province de Ninive (nord). Mêlant des architectures orientales et occidentales, c'est l'un des quatre sites irakiens classés au patrimoine mondial de l'UNESCO, pour qui «les vestiges de la ville, et en particulier les temples où l'architecture grecque et romaine se combine avec des éléments de décor d'origine orientale, témoignent de la grandeur de sa civilisation».

- NIMROUD

Fondée au 13e siècle avant l'ère chrétienne, la cité, appelée à l'origine Kalhu, est l'un des sites archéologiques irakiens les plus connus et un lieu important de la civilisation mésopotamienne. Elle se trouve à 30 km au sud de Mossoul (nord).

Selon le gouvernement irakien, l'EI a commencé à la détruire au bulldozer le 5 mars. L'UNESCO a dénoncé «un crime de guerre».

- LE MUSÉE DE MOSSOUL

Il s'agit du plus important musée d'Irak après celui de Bagdad. Une vidéo diffusée le 26 février montre des membres de l'EI détruire à coup de masse des statues - certaines en provenance des sites de Nimroud et Hatra.

Selon des responsables des antiquités, quelque 90 oeuvres ont été détruites ou endommagées, des originaux pour la plupart.

Cette destruction a été comparée avec celle en 2001 par les talibans des bouddhas de Bamiyan en Afghanistan.

- LE MAUSOLÉE NABI YOUNES À MOSSOUL

La tombe du prophète Jonas, aussi connu sous le nom de Nabi Younès, est l'un des mausolées les plus célèbres de Mossoul et était un important lieu de pèlerinage. Elle a été dynamitée le 24 juillet 2014 devant la foule.

- LA BIBLIOTHÈQUE DE MOSSOUL

Des milliers de livres et des manuscrits rares ont été brûlés en février 2014. L'UNESCO a décrit la destruction de ces oeuvres comme une nouvelle phase de la campagne de «nettoyage culturel» des jihadistes.

- LA CITADELLE DE TAL AFAR

Des photos diffusées en janvier ont montré que les murs de la citadelle de Tal Afar, une ville à l'ouest de Mossoul prise par les jihadistes, ont été sérieusement endommagés, fin décembre 2014 ou début janvier 2015.

- LA STATUE D'ABOU TAMMAM À MOSSOUL

La statue d'Abou Tammam, un poète arabe né au 9e siècle, a été déboulonnée en juin 2014. Abou Tammam, qui a vécu à Mossoul, a composé «la Hamassa», une anthologie de poèmes.

- L'ÉGLISE VERTE DE TIKRIT

Imposant symbole de la présence chrétienne au Moyen-Orient, la cathédrale, appelée «église verte», a été fondée il y a environ 1300 ans. Elle était considérée comme la plus célèbre de la ville de Tikrit (nord). Elle fut le théâtre d'un massacre des Assyriens par les envahisseurs mongols en 1258. L'église a été détruite fin septembre ou début octobre 2014.

- LE MAUSOLÉE AL-ARBAIN A TIKRIT

Le mausolée Al-Arbaïn, connu pour être le lieu de sépulture de 40 figures de l'islam, dont des compagnons du prophète Mahomet, a été détruit en septembre 2014.