La Jordanie a menacé mercredi d'une riposte sévère le groupe État islamique (EI) et pendu deux djihadistes condamnés à mort, après l'exécution d'un de ses pilotes brûlé vif par l'organisation extrémiste.

Ce nouvel acte de barbarie de l'EI a provoqué un tollé international, la réaction la plus virulente venant de la prestigieuse institution islamique d'Al-Azhar qui a appelé à «tuer, crucifier ou amputer les mains et les pieds des terroristes» de l'EI.

«Le sang du martyr Maaz al-Kassasbeh ne sera pas vain et la riposte de la Jordanie et de son armée (...) sera sévère», a dit le roi Abdallah II lors d'une réunion des hauts responsables militaires, selon un communiqué officiel.

Le souverain a regagné dans la journée son pays après avoir écourté une visite aux États-Unis, où il a souligné avec le président Barack Obama que cet «abominable meurtre» renforcerait «la détermination de la communauté internationale à détruire l'EI», un groupe qui sème la terreur en Syrie et en Irak.

«La Jordanie est plus que jamais déterminée à combattre le groupe terroriste Daesh», un acronyme en arabe de l'EI, a déclaré avant lui le porte-parole du gouvernement, Mohammad Momani.

«Intervention terrestre»? 

Voisine de la Syrie et de l'Irak, la Jordanie participe depuis septembre aux frappes de la coalition internationale menée par les États-Unis contre l'EI en Syrie. Son pilote avait été capturé en décembre après le crash de son avion.

Dans une première mesure de représailles, la djihadiste irakienne Sajida al-Rishawi, condamnée à mort pour des attentats meurtriers en 2005 à Amman, et Ziad Karbouli, un responsable irakien d'Al-Qaïda, ont été pendus avant l'aube à la prison Swaqa (70 km au sud d'Amman), selon M. Momani.

L'EI avait menacé fin janvier de tuer le pilote si la Jordanie ne relâchait pas la djihadiste irakienne mais Amman avait exigé des preuves de vie du Jordanien. Selon la télévision officielle, son exécution remonte au 3 janvier.

Franchissant un nouveau palier dans l'horreur, l'EI a diffusé mardi une vidéo montrant un homme présenté comme Kassasbeh, en tenue orange, et enfermé dans une grande cage en métal. Un homme masqué prend une torche et met le feu à de l'essence. Les flammes se propagent jusqu'à la cage et le supplicié se transforme vite en une boule de feu.

Pour Romain Caillet, spécialiste des mouvements djihadistes, il s'agit d'une «vidéo choc avec un 'châtiment' inédit» ayant pour but de terroriser la coalition qui mène des raids contre l'EI en Irak et en Syrie depuis l'été 2014.

Mais l'analyste Hassan Abou Haniyeh a en revanche estimé que la Jordanie pourrait renforcer sa participation à la guerre antidjihadistes. Elle «pourrait envisager une intervention terrestre», a-t-il ajouté.

Les Emirats arabes unis ont eux à l'inverse «suspendu leurs frappes aériennes peu de temps après l'accident» de Maaz al-Kassasbeh le 24 décembre, a annoncé un responsable américain affirmant que ce pays demeurait un partenaire «précieux» pour la coalition.

Condamnations internationales 

La mort du pilote a provoqué choc et colère dans le royaume, où des centaines de Jordaniens sont descendus dès mardi soir dans la rue. Son père Safi a appelé à «venger le sang de Maaz».

Les autorités ont lancé un appel à prier pour le pilote dans les mosquées du royaume. Et la télévision d'État a affiché un bandeau noir avec sa photo, diffusant des chansons patriotiques.

En 10 jours, l'EI a revendiqué l'exécution de deux otages japonais et du Jordanien. Depuis la mi-août, il a en outre annoncé le meurtre de cinq otages occidentaux enlevés en Syrie: deux journalistes et un humanitaire américains ainsi que deux humanitaires britanniques.

Dans la vidéo du pilote, le groupe djihadiste a donné les adresses d'autres pilotes jordaniens de la coalition et promis une récompense de «100 pièces en or» à ceux qui les tueraient.

Responsable de nombreuses atrocités et accusé par l'ONU de crimes contre l'Humanité, l'EI fort de dizaines de milliers de combattants, a profité de la guerre en Syrie et de l'instabilité en Irak pour s'emparer de larges pans de territoire dans ces deux pays voisins.

Comme les précédentes, l'exécution a provoqué l'indignation des capitales du monde.

Un acte «contraire à l'islam et à toutes les valeurs de l'humanité», a affirmé le nouveau roi saoudien Salmane. Les autres monarchies arabes du Golfe ainsi que l'Iran l'ont aussi condamnée, l'Occident a exprimé sa révulsion et le Japon, encore sous le choc de l'exécution de ses deux ressortissants, a dénoncé un meurtre «ignoble». Le Conseil de sécurité a condamné «la brutalité» de l'EI.