Les frappes de la coalition internationale à Kobané ont donné un coup de frein aux ambitions du groupe État islamique (EI) de prendre cette ville kurde et à ses rêves d'expansion en Syrie, selon des experts.

Quatre mois après le début de l'offensive de l'EI, à la mi-septembre, les forces kurdes ont repris le gros de cette ville frontalière de la Turquie, appuyées par les raids aériens de la coalition menée par Washington depuis le 23 septembre.

L'EI ne détiendrait plus que 20 % de Kobané (nom kurde d'Aïn al-Arab), notamment dans l'est et le sud, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

En perdant plus de 1000 djihadistes dans cette bataille qui a fait jusqu'à présent 1600 morts, l'EI a payé cher sa détermination à conquérir cette ville devenue le symbole de la lutte contre ce groupe extrémiste qui contrôle de larges territoires en Syrie et en Irak.

«Tout le monde sait désormais que Kobané est le lieu où les Kurdes ont stoppé l'avancée de l'EI», affirme à l'AFP Mutlu Civiroglu, spécialiste des affaires kurdes basé à Washington. «Les djihadistes y ont perdu des centaines de combattants, des millions de dollars en armes et leur image d'invincibilité».

Les frappes quotidiennes de la coalition sur les positions djihadistes dans et autour Kobané ont joué un rôle déterminant, souligne Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie. «75 % de toutes les frappes américaines en Syrie ont été sur Kobané. Vous donnez à n'importe quelle force au sol un tel appui aérien et elle prendra le dessus», selon lui.

Pour un militant kurde à Kobané, Mustefa Ebdi, «l'EI ne s'attendait pas à une campagne aérienne aussi intense», comme en témoigne la découverte de «dizaines de corps de djihadistes dans les quartiers libérés».

Sans ces frappes, l'EI, qui tenait plus de la moitié de Kobané en novembre, «aurait pris complètement la ville, car il avait les moyens de concentrer plus de forces que les Kurdes», explique M. Pierret.

Les combattants des YPG, la principale milice kurde syrienne qui défend Kobané, «n'avaient pas l'armement sophistiqué de l'EI», précise M. Civiroglu, selon qui «les frappes les ont aidés en limitant la mobilité de l'EI et sa capacité d'attaque».

L'EI dans le «déni»

À Kobané, les djihadistes ne se trouvaient pas non plus dans un «milieu familier» comme dans d'autres villes où ils avaient des informateurs de l'intérieur, selon l'expert. Les Kurdes étaient de plus préparés mentalement à l'assaut et ont bénéficié du soutien des peshmergas irakiens.

Désormais en position de force, «les Kurdes avancent selon un plan de 'grignotage' bien clair, rue par rue, vers l'est et le sud» où se concentre l'EI, indique Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH.

Malgré leur recul, les djihadistes semblent garder un esprit combatif. «Les djihadistes vétérans ont remplacé les plus jeunes. Ils ne veulent pas lâcher prise», signale M. Civiroglu.

Car, comme l'a tweeté vendredi un sympathisant de l'EI, Abou Abdallah al-Chami, Kobané, baptisée Aïn al-Islam par les djihadistes, est «l'une des plus importantes batailles» du groupe depuis son apparition en plein conflit syrien en 2013.

Un autre sympathisant affirmait samedi que «malgré tous les mensonges des médias, la vérité est que Aïn al-Islam est en majorité aux mains de l'EI en dépit de l'aide aérienne» aux YPG.

«Ce qui me frappe, c'est leur déni. Ils ne reconnaissent pas qu'ils reculent et continuent à mettre en scène leur contrôle», affirme M. Pierret.

Au-delà de Kobané, les frappes ont mis un frein, du moins pour le moment, aux ambitions de l'EI d'étendre son influence en menant de nouvelles offensives, notamment dans la province septentrionale d'Alep. Car «une partie de leurs forces sont immobilisées près de Kobané», explique M. Pierret.

Mais l'expert souligne sa capacité de résistance du groupe extrêmiste sunnite à la puissance de feu de la coalition dans les régions qu'il contrôle.

La bataille de Kobané «a été un coup dur à leur rêve d'expansion», souligne M. Civiroglu. «Au lieu d'en être le grand prix, elle s'est retournée contre eux comme un boomerang».