Un djihadiste français identifié comme étant l'un des bourreaux qui ont décapité des otages en Syrie dans une vidéo diffusée dimanche, compte parmi ses influences le sermon d'un imam montréalais qui dénonce la radicalisation violente, mais qui a été interdit de séjour en France l'an dernier.

Les services de renseignement français ont découvert que Maxime Hauchard, 22 ans, était l'un des guerriers du groupe État islamique responsables de la mise à mort de prisonniers syriens et du travailleur humanitaire américain Peter Kassig.

Le site français Les Inrocks a relevé hier qu'en janvier 2012, Hauchard avait partagé sur son compte Facebook une vidéo intitulée Où veux-tu mourir? par Souleyman Al-Hayti, imam salafiste de Montréal.

Dans la vidéo de près de 10 minutes, Al-Hayti fustige les musulmans qui «vivent en Europe et ne veulent pas se faire enterrer dans le pays où ils sont morts [...] surtout en France, car il n'y a pas de cimetière musulman, que des cimetières publics. [...] Il faut réfléchir où l'on veut vivre, et là où on veut mourir.»

La publication de cette vidéo semble coïncider avec le début de la radicalisation du jeune homme: sur Facebook, il ne publiera par la suite que du contenu lié à l'islam radical et à la charria, la loi islamique.

Hier, la justice française a ouvert une enquête, notamment pour «assassinats en bande organisée», concernant les agissements de Hauchard et d'un autre djihadiste français, a annoncé le procureur de Paris, François Molins.

«Pas de gourous»

Dans une entrevue vidéo par Skype réalisée par BFMTV il y a six mois, Maxime Hauchard raconte qu'il a lui-même pris la décision de quitter la France pour aller se battre aux côtés du groupe État Islamique il y a un peu plus d'un an.

«C'est marrant parce qu'en général, les gens pensent tous qu'il y a une sorte de gourou derrière qui nous met des choses dans la tête, a expliqué le jeune homme. En fait, non. J'aurais aimé rencontrer un frère comme moi, mais je n'ai rencontré personne.»

Né à Montréal et formé en Arabie saoudite, Souleyman Al-Hayti est décrit sur un site salafiste comme un «prêcheur du juste milieu, sans extrémisme [terrorisme] et sans laxisme [islam de France]»!

Piétiste, c'est-à-dire qu'il prône une interprétation très stricte des textes du Coran et de la Sounnah, de «l'islam dans toute sa pureté», Al-Hayiti dénonce les attentats causés par les djihadistes armés.

L'imam Al-Hayiti prône notamment l'interdiction de la mixité homme-femme, y compris dans les lieux publics, et pour le port du voile intégral.

Selon lui, la mixité entraîne «l'adultère, la fornication, le viol, la pédophilie, les MTS, le sida, les enfants illégitimes, la délinquance, l'impudeur, l'obscénité, le crime, la violence, etc.». Et d'ajouter: «Toutes ces choses sont des punitions d'Allah.»

Le 22 octobre, la journée de l'attaque contre le Parlement à Ottawa, l'imam Al-Hayiti a utilisé son compte Twitter pour dénoncer la tuerie.

«Le fait que des égarés commettent des actes terroristes au nom d'Allah et de l'Islam est une injustice. L'Islam est innocent de ces crimes», a-t-il déclaré.

En juin 2013, Al-Hayiti s'est vu interdit de séjour en France alors qu'il tentait de se rendre à un séminaire salafiste à Montpellier, dans le sud du pays, un évènement qu'il a rapporté sur son compte Twitter.

Haute-Normandie

Maxime Hauchard, djihadiste français, était connu des services de renseignements. Né dans le département de l'Eure, en Haute-Normandie, Hauchard est parti en Syrie en août 2013 après un séjour en Mauritanie en 2012.

Dans la vidéo attribuée au groupe État islamique, diffusée dimanche, on voit un djihadiste jeune et barbu, identifié par les services de renseignement comme étant Maxime Hauchard, le visage découvert, vêtu comme ses compagnons d'un treillis de camouflage. Au milieu d'une file, il conduit de la main gauche un prisonnier au crâne dégarni avant de saisir un couteau de commando. Puis, les prisonniers sont alignés à genoux, un djihadiste derrière chacun d'entre eux. L'homme identifié comme étant Hauchard porte un couteau dans la main droite et pose la gauche sur le col du prisonnier. On ne le voit pas exécuter son otage, mais on distingue ensuite la tête de sa victime détachée de son corps. Au moins 18 militaires syriens ont été exécutés, de même que l'ex-soldat et travailleur humanitaire Peter Kassig, qui était âgé de 26 ans.

Un haut responsable français de la lutte antiterroriste, qui a demandé à conserver l'anonymat, a dit à l'AFP que les djihadistes étrangers devaient tuer pour montrer leur sang-froid.

«Leur faire faire ce genre d'horreur est à la fois un test - vont-ils en être capables? - et vise à les fidéliser au sein du groupe, a-t-il commenté. Une fois qu'ils sont apparus commettant ce genre d'acte à visage découvert, il n'y a plus de retour en arrière possible. C'est une façon de les prendre eux aussi en otage.»

- Avec la collaboration de l'Agence France-Presse et de Fabrice de Pierrebourg