Le gouvernement Harper s'apprête à augmenter l'effort militaire du Canada en Irak en déployant des avions de chasse CF-18 sans avoir réussi à convaincre les partis de l'opposition de l'appuyer dans cette démarche à haut risque, 12 mois avant les prochaines élections.

Le premier ministre Stephen Harper n'a guère laissé planer de doutes mardi à la Chambre des communes quant à ses intentions d'acquiescer à la demande des États-Unis de jouer un rôle accru dans la lutte contre le groupe armé État islamique, affirmant que la campagne visant à éliminer cette organisation terroriste était «nécessaire et noble».

M. Harper a réuni les membres de son cabinet afin de discuter des options qui s'offrent au Canada. L'envoi d'une demi-douzaine d'avions de chasse CF-18 et des aéronefs de renseignement, surveillance et reconnaissance est dans les cartons afin de participer aux frappes aériennes de la coalition menée par les États-Unis. Mais le déploiement serait pour une période déterminée afin d'éviter, comme l'a indiqué M. Harper aux Communes, que le Canada ne s'engage dans un «bourbier» pendant des années.

Débat aux Communes

M. Harper doit faire part de ses intentions à ses députés à la réunion hebdomadaire du caucus conservateur, ce matin. Un débat aura ensuite lieu aux Communes cet après-midi ou au plus tard demain. Ce débat sera suivi d'un vote pour autoriser formellement cette mission de combat.

«Permettez-moi d'être très clair. Je crois que la mission entreprise par nos alliés, non seulement nos alliés occidentaux, mais un grand nombre d'alliés au sein de la communauté internationale, constitue des actions nécessaires et nobles. Quand nous croyons qu'une chose est nécessaire et noble, nous ne restons pas à l'écart pour dire que d'autres gens devraient agir. La manière canadienne est de faire notre part», a affirmé mardi M. Harper aux Communes.

Soumis à un barrage de questions par le chef du NPD, Thomas Mulcair, sur les tenants et aboutissants d'une contribution militaire accrue, M. Harper a ajouté: «Nous sommes en train d'examiner nos options pour voir ce que nous pouvons faire. Nous allons soumettre une proposition à la Chambre des communes sur cette question et j'ai hâte d'avoir un débat et un vote.»

Pas de troupes au sol

Le Canada compte actuellement 69 soldats dans le nord de l'Irak. Leur mission est de conseiller les troupes irakiennes sur les mesures à prendre pour contrer la menace de l'EI et protéger la population locale. Cette mission de 30 jours doit en principe prendre fin le dimanche 5 octobre.

Dans les rangs conservateurs, il ne fait aucun doute que le gouvernement Harper s'apprête à déployer des CF-18, même si M. Harper a soutenu qu'aucune décision sans appel n'avait été prise. Le chef d'état-major des Forces canadiennes, le général Tom Lawson, a participé à la réunion du cabinet restreint mardi afin d'exposer les options militaires. Le sous-ministre de la Défense, Richard Fadden, était également présent à la réunion.

«Les députés appuient le premier ministre. La seule chose qui préoccupe certains, c'est l'envoi de troupes canadiennes au sol. Et cette option est clairement écartée», a affirmé à La Presse une source conservatrice.

Selon nos informations, les avions de chasse pourraient être déployés dans un délai de deux jours après la tenue d'un vote aux Communes.

Sans consultations

Alors qu'il l'avait fait lors de la mission militaire en Libye, en 2011, ou encore lors de la mission de combat des soldats canadiens en Afghanistan, le premier ministre n'a pas tendu de perche aux leaders des partis de l'opposition, en l'occurrence le chef du NPD Thomas Mulcair et le chef du Parti libéral Justin Trudeau, afin de les informer des intentions de son gouvernement et d'obtenir leur aval, selon des informations obtenues par La Presse.

En conséquence, M. Harper devra se passer de l'appui des néo-démocrates et vraisemblablement de celui des libéraux lorsqu'il soumettra la proposition de son gouvernement d'élargir la mission militaire du Canada en Irak, mercredi ou jeudi, au grand dam des députés conservateurs. La situation a été tout à fait différente en Grande-Bretagne, où le gouvernement conservateur de David Cameron a obtenu l'appui des deux autres partis pour envoyer des avions britanniques en Irak.

«M. Harper n'a pas communiqué une seule fois avec M. Mulcair pour discuter du rôle du Canada en Irak», a confirmé une source néo-démocrate.

Une source libérale a aussi indiqué que le premier ministre n'avait pas téléphoné à M. Trudeau à ce sujet pour sonder son opinion.

Si le NPD a été on ne peut plus clair dans son opposition à une mission de combat en Irak, le Parti libéral a soufflé le chaud et le froid. La semaine dernière, le député libéral Marc Garneau a déclaré que «pour le Parti libéral, les frappes aériennes sont hors de question».

Mais le chef libéral Justin Trudeau a apporté une nuance mardi. «Le Parti libéral n'appuie pas d'escalade vers une mission de combat sans avoir des explications, un plan, un niveau de transparence que ce gouvernement n'est pas en train présentement de démontrer», a-t-il dit.