Les djihadistes de l'État islamique resserrent leur étau sur Aïn al-Arab, la troisième ville kurde de Syrie à la frontière avec la Turquie, au moment où Ankara examine son engagement militaire dans la coalition anti-EI.

Les combattants du groupe extrémiste n'étaient plus lundi qu'à cinq kilomètres de cette ville stratégique appelée Kobané en kurde, dont le centre a été pour la première fois touché par des roquettes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

La quinzaine de roquettes lancées par les djihadistes sur le centre-ville a fait trois morts, selon l'ONG, qui a précisé que l'EI ne s'en était jamais approché aussi près depuis le début il y a deux semaines de son offensive dans la région.

S'ils faisaient sauter ce verrou, les djihadistes contrôleraient une longue bande territoriale continue au nord de la Syrie, le long de la frontière turque.

Leur assaut a entraîné un exode massif de population, au moins 160 000 personnes ayant traversé la frontière pour se réfugier en Turquie, qui n'a eu d'autre choix que d'ouvrir sa frontière.

Des miliciens du PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, ont alors fait le chemin inverse pour aller prêter main forte à leurs frères syriens assiégés.

La pression djihadiste sur Aïn al-Arab n'épargne pas la Turquie puisque qu'au moins trois obus de mortier venant de la zone des combats ont atteint son territoire depuis dimanche. En réaction, Ankara a renforcé lundi son dispositif militaire autour du poste-frontière de Mursitpinar en y acheminant plus d'une dizaine de chars et de véhicules blindés.

Débats à Ankara 

Cette évolution nourrit les débats à Ankara, où le gouvernement islamo-conservateur va déposer mardi un projet de mandat autorisant l'intervention de son armée en Irak et en Syrie.

Si le Parlement l'approuve jeudi, la Turquie se joindra à la coalition internationale initiée par les États-Unis, après avoir dans un premier temps explicitement refusé de lui apporter une aide militaire.

Ankara a longtemps justifié son refus d'intervenir par la nécessité de protéger sa quarantaine de ressortissants retenus en otage depuis juin par l'EI après la prise du consulat turc de Mossoul (Irak).

Après leur libération le 20 septembre et le récent voyage du président Recep Tayyip Erdogan aux États-Unis, la Turquie a toutefois amorcé un revirement, au point que ce dernier a assuré dimanche: «Nous ne pouvons rester en dehors» du combat contre les djihadistes. M. Erdogan a ajouté qu'une intervention terrestre pourrait même être nécessaire.

La Turquie accueille aujourd'hui plus de 1,5 million de réfugiés syriens ayant fui les combats entre les troupes du régime de Bachar al-Assad et une rébellion divisée entre modérés et djihadistes, qui ont fait près de 200 000 morts depuis 2011.

Critiques de la Syrie 

Selon le commandement américain pour le Moyen-Orient et l'Asie centrale (Centcom), la coalition a procédé depuis dimanche à huit frappes aériennes en Syrie, dont une sur un aérodrome tenu par l'EI près d'Alep, et à trois autres en Irak, dont une a manqué sa cible, un véhicule blindé de l'EI. Outre les États-Unis, la Jordanie et les Emirats arabes unis ont pris part à des raids.

Avec sa campagne de frappes aériennes en Syrie, qui a fait en une semaine au moins 211 morts parmi les djihadistes et 22 parmi les civils selon un bilan de l'OSDH, la coalition internationale cherche notamment à tarir les sources de revenus djihadistes en visant des infrastructures pétrolières et gazières.

L'armée américaine a procédé à 4100 sorties aériennes depuis le lancement le 8 août de l'offensive contre les djihadistes de l'EI en Irak et en Syrie, y compris les vols de surveillance, le ravitaillement en carburant et les frappes.

A ce chiffre, transmis lundi par un responsable militaire américain sous couvert de l'anonymat, s'ajoutent une quarantaine de vols qui ont été menés par les cinq pays arabes membres de la coalition emmenée par Washington contre le groupe EI depuis le 23 septembre.

A Washington, le président Barack Obama a admis dimanche que les États-Unis avaient sous-estimé la menace représentée par les groupes extrémistes en Syrie, pays qu'il a qualifié de «Ground Zero pour les djihadistes à travers le monde».

Dans le cadre de sa stratégie anti-EI, M. Obama a prévu une aide logistique et militaire aux rebelles syriens considérés comme «modérés», qui se battent contre le régime comme contre les djihadistes.

Le ministre syrien des Affaires étrangères a vivement critiqué lundi devant l'Assemblée générale de l'ONU ce soutien aux «modérés», que Damas considère comme «terroristes» à l'instar de toute opposition armée.

Selon Walid al-Mouallem, cette aide va «accroître la violence et le terrorisme (..) et démolir à sa base une solution politique».

Par ailleurs, des experts et des diplomates ont lancé une sonnette d'alarme sur le danger qui guette le patrimoine irakien, affirmant lors d'un colloque à l'Unesco que l'EI se livre à la destruction de sites historiques en Irak, tout en vendant des antiquités pour se financer.