Qui frappe et où, qui arme, qui renseigne, qui finance La conférence de Paris lundi sur la sécurité en Irak va tenter de répartir les rôles entre les différents pays aux intérêts parfois contradictoires de la coalition internationale contre l'État islamique (EI).

Une vingtaine de pays, représentés pour la plupart au niveau ministériel, sont attendus pour cette rencontre ouverte par le président français François Hollande et son homologue irakien Fouad Massoum, afin de marquer la solennité de l'engagement international contre les djihadistes ultra-violents de l'EI.

«Cette conférence va permettre à chacun d'être beaucoup plus précis sur ce qu'il peut ou veut faire», indique une source diplomatique, soulignant que les décisions qui seront prises n'ont pas forcément vocation à être toutes rendues publiques. «On ne va pas dire qui va frapper, où et à quel moment».

À la veille de cette rencontre, plusieurs questions, et non des moindres, se posent encore: quid de la position de la Russie, brouillée sur l'Ukraine avec les Occidentaux?

Comment composer avec l'Iran, acteur régional majeur mais dont l'implication dans les crises irakienne et syrienne en font un juge et partie?

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius souhaitait la présence à la conférence de Téhéran, dont le régime chiite soutient Bagdad face aux djihadistes sunnites de l'EI.

Son homologue américain John Kerry s'y opposait. Mais, les Iraniens ont de toute façon fait savoir samedi que «participer à la conférence-spectacle et sélective de lutte contre le terrorisme de Paris ne nous intéresse pas», selon les déclarations du vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian.

«Ce qui intéresse l'Iran c'est une lutte réelle et non sélective contre le terrorisme (...) Nous allons continuer à soutenir avec force l'Irak et la Syrie dans leur lutte contre le terrorisme», a-t-il ajouté.

Autre question, quel rôle pour chaque pays aux intérêts parfois divergents et qui sont plus ou moins exposés à la menace de Daesh (acronyme arabe de l'État islamique)?

Ainsi la Turquie, allié au sein de l'OTAN, voisin de la Syrie et de l'Irak, et disposant d'une base militaire aérienne cruciale pour permettre aux Américains de lancer des attaques contre les djihadistes en Irak, concentre beaucoup d'attention.

Ankara, dont 46 ressortissants sont détenus en otage par l'EI à Mossoul, dans le nord de l'Irak, et qui accueille sur son sol plus d'un million de réfugiés syriens, refuse jusqu'à présent toute participation active aux opérations armées.

Frappes en Syrie? 

«Il faut être sûr que ce que l'un fait à droite ne sera pas défait par ce que l'autre fait à gauche», ajoute la même source diplomatique. Ne pas se retrouver par exemple dans le cas de figure de la Syrie, où la rivalité entre le Qatar et l'Arabie Saoudite, parrains de l'opposition au régime de Bachar al-Assad, a contribué selon nombre d'observateurs à son effondrement et à l'essor de groupes radicaux.

«Nous voulons une convergence des objectifs et une complémentarité des initiatives», militaire, humanitaire, financière, résume le porte-parole du Quai d'Orsay Romain Nadal, assurant que des décisions seront annoncées et un plan d'action et de lutte défini.

Le volet syrien de la lutte contre l'État islamique, qui contrôle environ 40 % de l'Irak et 25 % de la Syrie, reste aussi une inconnue.

Washington s'est dit prêt à frapper l'EI en Syrie et à étendre les raids menés en Irak depuis un mois. Le Pentagone, courant août, avait estimé que pour venir à bout de l'EI, il fallait aussi l'attaquer en Syrie.

Londres et Paris semblent embarrassés à ce sujet. Si le premier ministre britannique David Cameron a indiqué ne rien exclure, son chef de la diplomatie Philip Hammond a affirmé que Londres ne participerait pas à des frappes en Syrie.

Côté français, pas question d'agir hors cadre juridique international. Une résolution de l'ONU semble très improbable, Moscou et Pékin s'opposant à toute action militaire en Syrie sans l'aval du président syrien Bachar al-Assad.

Pour la France, «il ne peut pas être concevable d'avoir quelque action qui puisse être faite en lien avec Bachar Al-Assad», a martelé François Hollande, dont le pays a livré des armes aux rebelles syriens «modérés».

«Si on veut que cette conférence soit utile, il ne faut pas mélanger les problématiques. Le coeur du problème, pour le moment, c'est l'Irak», souligne une source diplomatique. La guerre en Syrie, sur laquelle a proliféré l'EI, a fait 200 000 morts en plus de trois ans.