Les forces de la région autonome du Kurdistan irakien se sont emparées vendredi de deux importants champs de pétrole près de Kirkouk, éloignant encore un peu plus la perspective d'un gouvernement d'union face aux insurgés sunnites, tandis qu'un double attentat a fait 28 morts dans cette ville du nord de l'Irak.

Il s'agit d'un attentat suicide à la voiture piégée et de l'explosion d'un engin artisanal. Parmi les morts figuraient de nombreuses personnes, dont des femmes et des enfants, ayant fui des provinces voisines pour tenter de se rendre dans des zones plus sûres du sud.

En revanche, les combats ont baissé d'intensité près de Ramadi (ouest), cible jeudi d'une nouvelle offensive des insurgés menés par les djihadistes ultra-radicaux de l'État islamique (EI).

À deux jours d'une réunion cruciale du Parlement, le premier ministre Nouri al-Maliki, vainqueur des législatives d'avril mais décrié pour son autoritarisme et sa politique confessionnelle, est confronté à la fois à l'offensive des insurgés sunnites et aux tensions grandissantes avec le Kurdistan autonome.

Les autorités Kurdes ont en effet affirmé que leurs forces s'étaient emparées des champs pétrolifères de Bai Hassan et de la zone de Makhmour, près de Kirkouk, une ville multi-ethnique disputée dont elles avaient déjà pris le contrôle en juin à la faveur de la crise.

La production de ces champs, évaluée par le ministère du Pétrole à Bagdad à 400 000 barils par jour, «va d'abord servir à faire face à la pénurie de produits raffinés sur le marché intérieur», selon un communiqué des autorités qui ont précisé que le personnel était invité à coopérer ou à partir.

Cette initiative vivement condamnée par Bagdad marque une nouvelle escalade dans les tensions.

Jeudi, les autorités kurdes, qui ont déjà annoncé leur volonté de tenir rapidement un référendum d'indépendance, ont demandé à M. Maliki de quitter le pouvoir, le qualifiant d'«hystérique» après ses déclarations accusant la province autonome d'être le quartier général des insurgés.

Les ministres kurdes ont en outre annoncé qu'ils boycottaient les réunions du Conseil des ministres.

Ces tensions compromettent les tentatives de formation d'un gouvernement d'unité nationale qui permettrait à la classe politique de présenter un front uni face à l'offensive fulgurante déclenchée le 9 juin par des insurgés sunnites menés par les djihadistes de l'État islamique.

255 prisonniers sunnites exécutés 

Le Parlement doit se réunir dimanche pour tenter d'ouvrir la voie à la formation d'un gouvernement à la suite des législatives du 30 avril, après une première session désastreuse le 1er juillet et le report d'une séance prévue mardi.

Le grand ayatollah Ali Al-Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, a de nouveau appelé vendredi les politiques irakiens à cesser de se quereller et à se hâter de constituer un nouveau gouvernement.

L'ambassade des États-Unis à Bagdad a également publié un communiqué très critique à l'égard de ces élus : «De nouveaux retards (dans la formation du gouvernement) ou une escalade orchestrée par n'importe quel camp, quel qu'en soit le prétexte ne sauraient se justifier et ne feraient que desservir les Irakiens».

Mais M. Maliki refuse de se retirer pour laisser la place à une personnalité moins décriée. Vendredi, il a chargé un chiite de remplacer le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari, l'un des membres kurdes du gouvernement ayant décidé d'en boycotter les réunions.

Et pour certains, M. Maliki pourrait bien saborder la session parlementaire de dimanche pour gagner du temps. «Il essaie de faire durer le jeu car c'est sa seule chance», a déclaré à l'AFP un diplomate occidental.

Pourtant, les reproches contre M. Maliki portent aussi sur l'incapacité des forces armées à enrayer l'avancée des djihadistes et à reprendre le contrôle des zones perdues.

Les insurgés sunnites, qui contrôlent de vaste pans de territoire dans l'ouest, le nord et l'est de l'Irak, ont déclenché jeudi après-midi une offensive près de Ramadi, où ils étaient déjà présents dans certains quartiers depuis janvier.

Mais après des déclarations alarmistes, des officiers de police et de l'armée ont raconté que les combats avaient baissé d'intensité vendredi. Les insurgés ont progressé à l'ouest de la ville, mais n'y ont pas encore pénétré.

Tandis que les djihadistes de l'EI se sont distingués par leur brutalité, l'ONG Human Rights Watch a affirmé vendredi que les forces irakiennes et des milices alliées avaient pour leur part exécuté «au moins 255 prisonniers sunnites» en juin, en particulier à Mossoul, à Tal Afar et à Baqouba.