Le président du Kurdistan irakien Massoud Barzani a lancé jeudi un projet de référendum d'indépendance, ignorant les appels à l'unité nationale contre les insurgés sunnites sous peine de voir le pays sombrer dans le chaos.

Dans le même temps, le premier ministre Nouri al-Maliki a élargi aux officiers de l'armée de Saddam Hussein son offre d'amnistie, dans une tentative de conciliation visant à fissurer la coalition hétéroclite des insurgés, menés par les jihadistes de l'Etat islamique (EI).

Ces mêmes combattants de l'EI, qui ont pris de vastes pans du nord et de l'ouest de l'Irak, se sont emparés jeudi du grand champ pétrolier d'Al-Omar dans l'est de la Syrie, asseyant encore un peu plus leur autorité sur cette zone.

Les forces irakiennes, dans un premier temps débordées par les insurgés, pourront «probablement» résister à cette offensive et reconquérir les territoires perdus, «mais pas tous seuls», a estimé jeudi le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey.

Le haut officier a cependant précisé que sa remarque ne présageait pas un engagement américain, et que la première étape de la reconquête serait «d'avoir un partenaire irakien fiable prêt à doter son pays d'un projet auquel tous les Irakiens sont désireux de participer».

L'émissaire de l'ONU à Bagdad, Nickolay Mladenov, a lui aussi insisté sur la nécessité impérieuse d'un gouvernement d'union, alors que la première réunion mardi du nouveau Parlement, censée lancer le processus de formation d'un cabinet, a été marquée par des insultes et levée dans la confusion.

Sorti vainqueur mais sans majorité des législatives du 30 avril, M. Maliki, longtemps accusé d'accaparer le pouvoir et de marginaliser les sunnites, est de moins en moins assuré de rester au pouvoir.

«Si l'Irak ne suit pas sa procédure politique constitutionnelle, quelle est l'alternative ? Il risque de sombrer dans un chaos similaire à la Syrie. Et c'est ce que les gens doivent vraiment comprendre, très très vite», a déclaré M. Mladenov à l'AFP.

«Mettez de côté vos différends et vos ambitions personnelles», a-t-il lancé à l'adresse des dirigeants irakiens. «Il sera temps plus tard de s'occuper de cela. Maintenant, c'est le moment pour vous de chercher un moyen de sauver le pays».

Ville natale de Saddam reprise

Ces appels n'ont pas empêché M. Barzani de demander jeudi au Parlement du Kurdistan irakien d'organiser un référendum sur l'indépendance de la région autonome.

«Cela renforcera notre position et sera une arme puissante» pour nous, a expliqué M. Barzani lors d'une réunion à huis clos au Parlement kurde dont l'AFP a obtenu un enregistrement audio.

M. Barzani, dont les forces se sont emparées à la faveur de la crise de la ville de Kirkouk et d'autres territoires disputés qu'il est déterminé à ne plus jamais rendre, avait prévenu en début de semaine que le Kurdistan envisageait d'organiser ce référendum dans les prochains mois.

«Nous continuons de croire que l'Irak est plus fort s'il est uni», a réagi Josh Earnest, le porte-parole de la présidence américaine.

Pour M. Barzani cependant, le pays est déjà divisé depuis que la coalition menée par les jihadistes ultra-radicaux de l'EI et composée également de membres de tribus et d'anciens soldats de l'armée de Saddam Hussein s'est emparée de larges pans de territoires dans le nord et l'ouest du pays.

L'EI a d'ailleurs proclamé dimanche un «califat» sur les territoires qu'il contrôle à cheval sur la Syrie et l'Irak.

Sur le terrain, des combats se poursuivent près de Tikrit (nord), prise par les insurgés et visée depuis dimanche par une importante contre-offensive de l'armée.

Au prix de violents combats, les forces irakiennes ont repris jeudi Awja, ville natale de Saddam Hussein, mais le terrain miné ralentissait leur avancée vers Tikrit.

«Toutes les maisons et tous les véhicules brûlés (sur la route menant à Tikrit) ont été piégés», a expliqué le gouverneur de la province, estimant qu'il faudrait encore plusieurs jours avant que les soldats ne puissent pénétrer dans la ville.

Toujours dans le nord, une bombe a tué un combattant kurde près de Kirkouk. Et le porte-parole de M. Maliki pour la sécurité a fait état d'affrontements au sud de Bagdad.

En revanche, 32 routiers turcs retenus en otage depuis un mois par l'EI ont été libérés jeudi en bonne santé, a annoncé le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu, rappelant que 49 autres Turcs, le personnel du consulat de Turquie à Mossoul, étaient toujours retenus.

Washington opposé à un référendum

Les États-Unis se sont prononcés jeudi contre le projet du président du Kurdistan irakien d'organiser un référendum d'indépendance dans la région autonome, tout en exhortant toutes les communautés irakiennes à l'unité pour contrer l'offensive djihadiste.

La Maison-Blanche, qui en appelle tant aux Kurdes qu'aux Arabes sunnites et chiites pour former un gouvernement d'union nationale à Bagdad, s'est montrée pour le moins réticente à ce projet.

«Nous continuons de croire que l'Irak est plus fort s'il est uni», a déclaré Josh Earnest, le porte-parole de la présidence américaine.

«C'est la raison pour laquelle les États-Unis soutiennent un Irak démocratique, pluraliste et uni. Nous continuons à exhorter toutes les parties à travailler ensemble vers un objectif commun», a-t-il conclu.