Des drones américains armés de missiles survolent Bagdad, capitale d'un pays au bord de l'implosion depuis le lancement de l'offensive fulgurante des jihadistes, auxquels l'armée tente avec peine de reprendre des positions, notamment la cité clé de Tikrit.

Le secrétaire d'État John Kerry a quitté la région en fin d'après-midi vendredi, après une tournée consacrée à la crise irakienne qu'il a conclue en Arabie Saoudite, où il a notamment discuté de la menace que représentent les jihadistes «pour tous les pays de la région», selon un haut responsable du département d'État.

Malgré leur inquiétude de voir la situation irakienne faire tache d'huile, et les demandes de Bagdad, les États-Unis refusent pour l'instant tout envoi de troupes. Ils ont en revanche envoyé plusieurs drones survoler la capitale irakienne, uniquement chargés de «protéger» le cas échéant les militaires et diplomates américains présents, a indiqué à l'AFP un diplomate américain.

Mais le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a diffusé un communiqué sur son site internet affirmant que Bagdad était «à l'abri» des assauts des insurgés.

Des frappes américaines contre les insurgés sunnites de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) sont exclues à ce stade, sauf pour défendre des Américains en danger, notamment car des frappes à vocation offensive nécessitent une autorisation du président Barack Obama.

Partisan de la première heure d'une solution militaire, M. Maliki semble céder aux multiples appels de la communauté internationale à la formation d'un gouvernement rassemblant toutes les forces politiques et les communautés : il a déclaré qu'une solution politique était désormais nécessaire pour sortir le pays de la crise.

Le Parlement issu des élections d'avril se prépare donc à se réunir le 1er juillet pour déclencher le processus de formation d'un gouvernement.

Mais il risque d'être long : le Parlement doit élire dans un délai de 30 jours un président de la République, qui aura ensuite 15 jours pour charger M. Maliki, dont le bloc est arrivé en tête du scrutin, de former un nouveau gouvernement dans un délai de 30 jours.

Le grand ayatollah Ali Al-Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, a appelé les dirigeants à «se mettre d'accord [...] dans le délai constitutionnel imparti».

En attendant, les troupes gouvernementales, après leur débandade aux premiers jours de l'offensive, tentent non sans grande peine de reprendre des régions prises par les insurgés menés par les jihadistes de l'EIIL.

Après s'être emparée la veille de l'université de Tikrit à 160 km au nord de Bagdad, l'armée a mené vendredi des raids aériens contre les insurgés et prépare un assaut sur la ville qu'elle encercle, selon un haut gradé.

L'université est stratégiquement située sur la voie vers Baïji, la principale raffinerie de pétrole en Irak, et vers une base militaire plus au nord aux mains des insurgés.

«Maintenant, c'est fini»

Selon l'ONG Human Rights Watch, les combattants de l'EIIL ont procédé à Tikrit à des exécutions de masse, tuant entre 160 à 190 soldats dans cet ancien fief du président sunnite Saddam Hussein. «Les photos et les images satellites de Tikrit fournissent clairement la preuve d'un horrible crime de guerre», a-t-elle indiqué.

Outre ce chef-lieu et d'autres secteurs de la province de Salaheddine (nord), les insurgés ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville d'Irak, une grande partie de sa province Ninive (nord), d'autres secteurs des provinces de Diyala (est), Kirkouk (nord) et Al-Anbar (ouest).

Devant leur progression, les forces de sécurité s'étaient retirées le 12 juin de Kirkouk, ville multiethnique et pétrolière au nord de Bagdad, mais ce sont les forces de la région autonome du Kurdistan qui en ont pris le contrôle.

Le président du Kurdistan Massoud Barzani a affirmé que le contrôle de cette ville par les Kurdes ne saurait être remis en cause, après une rencontre avec le chef de la diplomatie britannique, William Hague. «Maintenant, c'est fini», a-t-il dit en référence à la dispute opposant le Kurdistan, qui revendique la ville, au pouvoir central à Bagdad.

Couloirs humanitaires

À Jeddah, dans l'ouest du royaume saoudien, M. Kerry s'est entretenu avec le roi Abdallah ainsi qu'avec le chef de l'opposition syrienne, Ahmad Al-Jarba.

Il a déclaré que «l'opposition syrienne modérée a la capacité d'être un important acteur pour combattre la présence de l'EIIL [...] non seulement en Syrie, mais en Irak aussi».

L'EIIL, qui ambitionne d'établir un califat islamique à cheval sur l'Irak et la Syrie, est aussi engagé en Syrie où il contrôle des pans de territoires dans l'est, frontalier de l'ouest irakien.

L'offensive de l'EIIL, aidé d'ex-officiers de l'armée de Saddam Hussein, de groupes salafistes et d'éléments tribaux, a fait des centaines de morts en Irak et des centaines de milliers de déplacés.

L'Organisation internationale des Migrations (OIM) a lancé un appel pour l'ouverture de couloirs humanitaires afin d'atteindre les déplacés en Irak, toujours en proie aux attaques et attentats qui ont fait au moins 15 morts vendredi à Bagdad et Diyala (nord).