L'armée tentait mardi de repousser un assaut des insurgés sunnites contre la principale raffinerie d'Irak et leur avancée dans l'ouest, alors que le secrétaire d'Etat John Kerry a tenté d'inciter à une unité politique pour éviter un éclatement du pays.

M. Kerry a rencontré à Erbil (nord) les dirigeants kurdes après avoir promis à Bagdad un soutien «intensif» pour enrayer l'offensive qui a permis aux jihadistes de prendre de larges pans de territoire, a déplacé des centaines de milliers d'Irakiens et mis sous pression le premier ministre chiite Nouri al-Maliki.

À l'aube, les insurgés, menés par le groupe ultra radical de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), ont lancé un nouvel assaut pour reprendre la raffinerie de Baïji, à 200 km au nord de Bagdad, mais les soldats les ont repoussés et des combats avaient lieu dans le secteur, selon des responsables.

Les soldats étaient appuyés par l'aviation qui a mené des frappes sur Baïji, un responsable accusant les insurgés «de se cacher dans les maisons des quartiers résidentiels». Dix enfants et neuf femmes ont péri dans les raids, selon un autre responsable, alors que la télévision officielle a parlé de 19 «terroristes» tués.

L'armée avait repoussé à la mi-juin un précédent assaut contre la raffinerie, un épisode qui avait affolé les marchés pétroliers, l'Irak étant le deuxième producteur de l'OPEP.

Il s'agissait d'un rare succès des forces armées après leur totale déroute aux premiers jours de l'offensive lancée le 9 juin par les insurgés qui ont affermi leur autorité sur plusieurs régions dans le nord, l'ouest et l'est du pays dans une offensive fulgurante qui a alarmé la communauté internationale.

Dans la province occidentale d'Al-Anbar, où les insurgés contrôlent plusieurs villes, l'armée appuyée par des tribus locales a repoussé un assaut sur la cité de Haditha, qui abrite une importante centrale électrique. L'armée de l'air a en outre mené des raids sur deux ponts vitaux sur l'Euphrate près de la ville d'Al-Qaïm, utilisés par les insurgés dans leurs déplacements, faisant 13 morts.

«L'Irak se désintègre»

Alors que les jihadistes sont désormais à moins d'une centaine de kilomètres de Bagdad, M. Kerry a tenté de persuader le président de la région autonome du Kurdistan Massoud Barzani de se joindre à un gouvernement d'union pour éviter que le pays ne s'enfonce dans le chaos.

Sa mission semble néanmoins ardue, M. Barzani appelant à la démission de M. Maliki qui semble vouloir se maintenir au pouvoir malgré les critiques virulentes contre sa politique confessionnelle qui a marginalisé notamment la minorité sunnite.

«Comme tout le monde le sait, il s'agit d'un moment très critique pour l'Irak, et la formation d'un gouvernement est notre principal défi», a affirmé M. Kerry devant son interlocuteur.

Les profondes divergences qui minaient le pays bien avant l'offensive jihadiste empêchent la formation d'un nouveau gouvernement, issu des élections d'avril où le bloc Maliki était arrivé en tête. Et sa formation est devenue plus urgente après l'assaut.

Pour ajouter à la confusion, les forces kurdes ont pris plusieurs secteurs après le retrait de l'armée face à l'avancée des insurgés, notamment la ville multiethnique et pétrolière de Kirkouk.

«Nous vivons aujourd'hui une ère différente», a dit M. Barzani en rendant, dans une interview à la chaîne CNN, M. Maliki, «responsable de ce qui est arrivé» en Irak. «L'Irak est clairement en train de se désintégrer et il est évident qu'un gouvernement fédéral ou central a perdu le contrôle sur tout».

Réunion de l'OTAN

M. Kerry, selon qui l'offensive jihadiste représente une «menace existentielle» pour l'Irak, a promis un soutien plus «efficace» si les forces politiques oeuvrent pour l'unité du pays. Le président Barack Obama a annoncé l'envoi de conseillers militaires pour aider l'armée, mais a exclu de renvoyer des hommes au sol en Irak.

Après l'Irak, M. Kerry devait participer à une réunion de l'OTAN à Bruxelles, puis se rendre à Paris. Il s'était auparavant rendu en Égypte et en Jordanie, pays voisin de l'Irak qui a renforcé son dispositif sécuritaire à la frontière de crainte d'une contagion.

Depuis le 9 juin, les jihadistes de l'EIIL ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville d'Irak, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord), et tiennent désormais quatre villes dans la province d'Al-Anbar.

Celle-ci est frontalière de la Jordanie et de la Syrie, un pays en guerre depuis trois ans et où l'EIIL, qui ambitionne de créer un État islamique à cheval entre l'Irak et la Syrie, contrôle une grande partie de la province syrienne frontalière de Deir Ezzor.

Selon un bilan officiel irakien, les insurgés sunnites, dont des partisans de l'ex-président Saddam Hussein renversé en 2003 par l'invasion américaine, ont tué des centaines de soldats et des centaines de civils depuis le début de leur offensive.