Un voisin d'Oscar Pistorius, arrivé sur les lieux du meurtre de Reeva Steenkamp quelques minutes après le drame de la Saint-Valentin 2013, a décrit jeudi le champion paralympique effondré, priant pour sa victime et tentant de la ranimer.

À plusieurs reprises au cours de cette quatrième journée du procès qui tient l'Afrique du Sud en haleine, l'athlète de 27 ans s'est affaissé dans son box, couvrant ses oreilles de ses mains pour ne pas entendre des détails sur les blessures de sa petite-amie ou sur les circonstances de sa mort.

Dans la matinée, son avocat Barry Roux, confronté à un autre voisin, qui dit avoir entendu les cris et des appels à l'aide de la victime avant les coups de feu, avait de nouveau usé de toutes les ficelles de son métier pour tenter de discréditer son témoignage.

Mais pour la première fois en quatre jours, c'est la réaction de Pistorius lui-même après les faits qui a été au centre des débats.

«La première chose qu'Oscar a dite», a raconté Johann Stipp, médecin radiologue qui s'est précipité chez Pistorius quelques instants après avoir entendu les cris et les coups de feu, «c'est "j'ai tiré sur elle. J'ai cru qu'elle était un cambrioleur, j'ai tiré sur elle"». La thèse de la défense depuis le premier jour.

L'accusation, pour sa part, soutient la version d'une dispute qui a tourné au drame.

«Il pleurait, il priait, il parlait à Dieu, faisait des promesses et demandait à Dieu «s'il te plaît, laisse-la vivre, ne la laisse pas mourir», a poursuivi M. Stipp, avant d'ajouter, à la demande de l'avocat: «Il m'avait l'air sincère, il pleurait, son visage était couvert de larmes. Il essayait de l'aider», notamment en cherchant à dégager ses voies respiratoires.

Le témoin s'est même inquiété que M. Pistorius mette fin à ses jours quand il l'a vu ensuite remonter dans sa chambre.

Jappements de chacals

Dans la matinée, Barry Roux avait eu affaire à un témoin autrement gênant pour l'accusé.

«Vous avez reconstruit l'histoire pour charger l'accusé!», a fini par lancer l'avocat, soulignant sa vindicte d'un grand mouvement de manche, après avoir posé pendant deux heures les mêmes questions et obtenu les mêmes réponses.

Informaticien discret à la voix fluette, visiblement très gêné par la gloire médiatique dont il jouit désormais, Charl Johnson, un homme précis et rigoureux, a affirmé, comme son épouse lundi et mardi, avoir entendu des cris de femme, des appels à l'aide d'un homme et des coups de feu.

«Le contraste entre la peur et l'intensité dans la voix féminine et la monotonie de la voix masculine m'a frappé. (...) Il avait presque l'air embarrassé d'appeler à l'aide», a-t-il dit.

C'est là que Me Roux l'a accusé, alternant sourire narquois et ton comminatoire, d'avoir reconstruit son souvenir pour coller à la version d'un meurtre prémédité.

«Je n'ai aucune raison de reconstruire l'histoire et d'incriminer qui que ce soit», a répondu le témoin.

L'avocat a aussi tenté de lui faire admettre que les cris de femme qu'il dit avoir entendus étaient en fait ceux d'Oscar Pistorius lui-même, dont la voix serait montée dans les aigus sous l'effet de la panique.

M. Johnson a persisté. «J'ai des sens bien aiguisés», a-t-il dit, certain de pouvoir faire la différence entre une voix d'homme et une voix de femme.

Balle reprise immédiatement au bond par l'avocat, rappelant que M. Johnson avait admis n'avoir pas compté les coups de feu: «Est-là une démonstration de vos sens aiguisés?», a-t-il ironisé.

Réplique de Charl Johnson: «Puis-je rappeler à Me Roux que les sens sont la vue, l'odorat, le toucher, le goût et l'audition, et que je ne les utilise pas pour compter...»

Et d'expliquer que, dans cette banlieue de Pretoria proche d'une réserve animalière, le son se propage incroyablement bien la nuit. «Parfois avec mon épouse, nous entendons les jappements des chacals dans la réserve», a-t-il raconté.