La théorie du complot contre Dominique Strauss-Kahn a resurgi vendredi au procès qui doit trancher sur l'implication de l'ancien patron du FMI dans un réseau de prostitution, l'un des 13 co-accusés dénonçant une affaire gonflée pour abattre l'ex-politicien vedette.

«Tout est orchestré, tout est organisé», a affirmé devant le tribunal correctionnel de Lille (nord) Emmanuel Riglaire, un avocat qui figure lui aussi parmi les prévenus, dénonçant une affaire montée dans le but de «cueillir» l'ancien directeur général du Fonds monétaire international, qui sera entendu à la barre la semaine prochaine.

«Je pense qu'il n'y a pas eu de complot contre un homme politique au départ mais que cela le devient après», a-t-il affirmé. Il s'est emporté contre «un cabinet noir à Paris» qui, selon lui, s'intéressait de près au dossier et organisait des fuites dans la presse.

«C'est la destruction d'un presque candidat à la présidentielle quand il est mûr», a-t-il ajouté, en allusion à la carrière politique ruinée de l'ancienne vedette de la gauche française.

Longtemps favori des sondages pour la présidentielle de 2012 en France, M. Strauss-Kahn a vu ses ambitions anéanties en 2011, lorsqu'une femme de chambre d'un grand hôtel de New York l'a accusé de viol.

Les images de «DSK» menotté et encadré de policiers au sortir d'un commissariat de Harlem avaient alors tourné en boucle dans le monde entier. Le dossier s'est achevé par un accord financier confidentiel avec l'accusatrice, Nafissatou Diallo.

C'est parallèlement à ce tonitruant scandale américain qu'avait éclaté en France l'affaire jugée à Lille, dite du «Carlton» en référence à un luxueux hôtel de la ville.

L'un des responsables de l'établissement, René Kojfer, est accusé d'y avoir fait venir des prostituées fournies par Dominique Alderweireld, tenancier français de maisons closes en Belgique, surnommé «Dodo la Saumure», pour satisfaire quelques clients.

«Filles élégantes, cultivées»

L'enquête au cours de laquelle le nom de M. Strauss-Kahn avait émergé avait été ouverte par la police de Lille sur la base de renseignements anonymes.

Poursuivi pour proxénétisme aggravé, l'ancien patron du FMI doit être interrogé à la barre à partir de mardi lors d'une audience clé pour l'issue de ce procès-fleuve de trois semaines.

Dominique Strauss-Kahn n'est apparu jusqu'ici que brièvement au procès, lors de son ouverture lundi. Il  a assuré n'être «jamais» allé au Carlton et a nié connaître le tandem Kojfer-»Dodo la Saumure», organisateurs présumés de parties fines auquel il aurait participé.

Selon l'accusation, plusieurs soirées se sont tenues au bénéfice de DSK, avec trois notables lillois de ses proches eux aussi poursuivis: David Roquet, un homme d'affaires, Fabrice Paszkowski, un entrepreneur, et Jean-Christophe Lagarde, un policier. Les quatre hommes se retrouvaient dans le nord mais aussi à Paris ou à Washington, siège du FMI, où trois voyages ont été organisés alors que M. Strauss-Kahn dirigeait encore l'institution.

Partie civile au procès, «Jade», une ancienne prostituée belge venue témoigner à la barre mardi, a souligné en «vouloir» à David Roquet et Fabrice Paszkowski «parce qu'ils m'ont présenté une personne publique», allusion transparente à DSK que son absence lui interdisait de citer.

M. Roquet a pour sa part réaffirmé vendredi, dans un entretien à la chaîne d'informations en continu BFMTV que l'ancien patron du FMI ignorait que les femmes qu'il lui présentait lors de ces parties fines étaient des prostituées.

«Les filles qui nous accompagnaient étaient élégantes, cultivées, ce n'est pas du tout le même scénario que là, dans une bagnole, sous la flotte», a-t-il déclaré.

La défense de Dominique Strauss-Kahn n'a jamais varié: l'ancien ministre socialiste était adepte du libertinage, pas amateur de prostituées, et ignorait que ses partenaires lors de ces soirées en étaient.

Âgé de 65 ans, M. Strauss-Kahn risque jusqu'à dix ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende dans ce procès.

Le parquet de Lille s'était prononcé pour un abandon des poursuites à son encontre en estimant qu'il était un «bénéficiaire» de la prostitution, mais pas un instigateur. Les juges d'instruction en avaient décidé autrement, le renvoyant devant le tribunal.