L'ex-patron du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, terrassé au sommet de sa carrière par un scandale sexuel à New York, se retrouve lundi devant un tribunal du nord de la France pour proxénétisme aggravé en réunion, une accusation pour laquelle il risque jusqu'à 10 ans de prison.

Longtemps favori des sondages en vue de la présidentielle de 2012 en France, M. Strauss-Kahn - surnommé DSK -, 65 ans, comparaîtra dans l'affaire dite de l'hôtel Carlton de Lille au côté de 13 prévenus.

Ce procès, ultra médiatisé (environ 200 journalistes français et étrangers sont attendus), doit durer trois semaines.

DSK est devenu au fil de l'instruction l'un des personnages centraux d'une affaire de proxénétisme débutée dans des hôtels de luxe de Lille. Après le scandale de l'hôtel Sofitel de New York (2011), qui lui avait déjà valu de comparaître dans un prétoire pour une affaire de moeurs, et presque trois ans après sa mise en examen (inculpation) pour l'affaire du Carlton, il va de nouveau faire face à l'étalage public de sa vie sexuelle.

Selon les juges d'instruction français, l'ancien favori socialiste à la présidentielle de 2012 ne pouvait ignorer que les jeunes femmes qu'on lui présentait lors de «parties fines» étaient des prostituées rémunérées.

Ils lui reprochent aussi d'avoir été le «pivot central» ou encore le «roi de la fête» de ces ébats sexuels à plusieurs, selon une source judiciaire.

DSK pouvait-il ignorer? Pour «Jade», l'une des prostituées interrogées, «c'est vraiment nous faire croire qu'il est naïf». Tous les autres protagonistes étaient au courant, selon elle.

Les avocats de DSK ont dénoncé un «acharnement» des juges «pas fondé sur une analyse juridique des faits», mais sur «une motivation idéologique, politique, morale».

La ligne de défense n'a pas bougé : DSK était adepte de libertinage, pas de prostituées.

Au cours de l'instruction, certaines participantes ont pourtant évoqué des séances de «carnage», d'«abattage» ou encore de «pure consommation sexuelle», selon des propos rapportés.

Soirées débridées à Washington

L'affaire commence en 2011 parallèlement au scandale du Sofitel de New York. La police judiciaire de Lille se penche de près sur les fréquentations de l'hôtel Carlton et de l'hôtel des Tours, où René Kojfer, responsable des relations publiques, ferait venir des prostituées pour satisfaire quelques clients.

La surveillance mise en place fait sortir petit à petit des noms, dont celui de Dominique Strauss-Kahn. Placé en garde à vue, René Kojfer est le premier inculpé, le 7 octobre 2011.

«Il y a un décalage, une incompréhension vraiment forte entre la définition stricto sensu juridique et la réalité des choses», avance Me Hubert Delarue, son avocat qui évoque des relations «entre adultes consentants». Son client, assure-t-il, n'a «jamais touché un centime».

De Kojfer, les enquêteurs remontent un réseau de notables qu'ils soupçonnent de profiter des jeunes femmes mises à disposition : Emmanuel Riglaire, avocat au barreau de Lille, mais aussi David Roquet, ex-patron d'une filiale du groupe de travaux publics Eiffage, et Fabrice Paszkowski, un entrepreneur spécialisé dans le matériel médical.

Ces deux derniers font partie d'un cercle amical, libertin, parfois franc-maçon, auquel vient s'ajouter un policier, Jean-Christophe Lagarde, directeur de la sûreté départementale du Nord, et Dominique Strauss-Kahn.

Fabrice Paszkowski semble être le principal contact de ce dernier lorsqu'il vient passer des soirées dans le nord : l'instruction relève des milliers de textos échangés pour se donner rendez-vous.

Paszkowski a rencontré DSK pour la première fois en 2006. Avec Roquet et Lagarde, il participe en outre à trois voyages à Washington pour des soirées débridées.

Autre figure très médiatique du procès, Dominique Alderweireld, mieux connu sous le nom de «Dodo la Saumure», a été l'un des derniers inculpés. Souteneur en Belgique, où il considère mener une activité «tolérée», il lui est reproché d'avoir fourni des prostituées venant de ses établissements.