Dominique Strauss-Kahn aurait enfreint la loi américaine sur le trafic humain s'il était prouvé qu'il a fait venir, via des «amis lillois», des prostituées de France à Washington, relèvent des experts, mais rien ne garantit pour autant l'ouverture d'une enquête aux États-Unis.

Le nom de l'ancien patron du FMI a été cité par plusieurs personnes interrogées dans l'affaire de l'hôtel Carlton de Lille (nord de la France). Huit personnes ont été mises en examen dans ce dossier, notamment pour proxénétisme aggravé en bande organisée et abus de biens sociaux. L'ancien favori dans la course à la présidentielle a demandé à être entendu par les juges français pour mettre fin à des «insinuations malveillantes».

DSK peut-il être poursuivi pour sa participation éventuelle à des parties fines aux États-Unis?

En théorie, oui, car la prostitution y est illégale partout, à l'exception de l'État du Nevada. En outre, faire venir depuis l'étranger des prostituées peut constituer un crime fédéral passible de dix ans de prison. «Si ces allégations sont vraies, il y aurait à la fois une violation de la loi du District de Columbia» (Washington), qui interdit la prostitution, et de la loi fédérale dite «Mann Act» qui punit la traite d'êtres humains, selon l'ancien procureur fédéral Bob Bennett, qui avait défendu Bill Clinton dans l'affaire Monica Lewinsky.

Dans ce cas, la loi fédérale prévaudrait, selon les experts interrogés par l'AFP. «Faire venir aux États-Unis une personne étrangère pour des motifs de prostitution ou n'importe quelle raison immorale est interdit», a déclaré  l'ancien procureur fédéral Marcellus McRae, citant cette loi.

Les autorités judiciaires américaines sont-elles susceptibles d'ouvrir une enquête?

«Étant donné le profil» de l'ancien patron du FMI, «parce qu'il était un personnage célèbre à la fois nationalement et internationalement, je pense que (les autorités) rechigneront» à ouvrir une nouvelle enquête, estime Brenda Smith, professeur de droit à l'American University et spécialiste des infractions sexuelles.

L'affaire DSK à New York a été «d'un grand embarras pour le procureur de Manhattan et, pour les États-Unis, une autre action tout de suite après celle-ci s'apparenterait à du harcèlement contre Strauss-Kahn», a-t-elle dit.

Ouvrir éventuellement une enquête «est à la discrétion du procureur», selon M. McRae. Or, comme il s'agit d'une enquête française, un procureur américain a toutes les chances de se demander «quel est l'intérêt de refaire les mêmes efforts» de l'autre côté de l'Atlantique.

Pour Ian Weinstein, professeur de droit à la Fordham University,  les poursuites en vertu du «Mann Act» sont «extrêmement rares» et celles sur la base de la loi locale interdisant la prostitution sont «hautement improbables».

Quel impact peut avoir l'affaire du Carlton sur la procédure civile en cours à New York?

Les avocats de Nafissatou Diallo, la femme de chambre du Sofitel qui a porté plainte contre DSK, vont vouloir exploiter l'affaire de proxénétisme instruite à Lille pour «essayer de mettre la main sur de nouvelles preuves», souligne M. McRae. Mais «je pense que les avocats de Strauss-Kahn réussiront à les écarter, car cette affaire n'a rien à voir avec l'autre».

«Ce serait très dangereux» de mélanger les deux, car «les accusations sont tellement différentes» et ce serait une erreur de penser qu'une affaire «puisse appuyer l'autre», a-t-il dit. Selon lui, «s'il y a une enquête, elle a toutes les chances d'être fédérale et sera conduite sous la protection du secret d'un grand jury».

Les deux affaires pourraient être menées «conjointement », mais tout dépendra si DSK est «seulement témoin» dans le dossier du Carlton ou s'il est «effectivement impliqué pour avoir fait venir» des prostituées à Washington, conclut M. McRae.