Brisant quatre mois de mutisme, l'ex-directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, a déclaré dimanche soir qu'il avait commis une «faute morale» en ayant une relation avec une femme de chambre new-yorkaise.

L'ex-champion socialiste nie cependant énergiquement les allégations de viol formulées à son encontre par la femme en question, Nafissatou Diallo, qui aurait «tout inventé» en vue de lui soutirer de l'argent.

Il n'y a eu «ni violence, ni contrainte, ni agression, ni aucun acte belliqueux», a martelé l'ancien ministre lors d'une entrevue accordée en soirée au journal télévisé de la principale chaîne privée du pays.

«Ce qui s'est passé, c'est une relation non seulement inappropriée, mais c'est plus que ça, c'est une faute vis-à-vis de ma femme, de mes enfants, de mes amis, mais aussi envers les Français qui avaient placé en moi leur espoir de changement», a relevé M. Strauss-Kahn, qui a pu rentrer en France il y a quelques semaines après l'abandon de la poursuite lancée contre lui en sol américain.

«Je crois que c'est une faute morale et je n'en suis pas fier, je la regrette infiniment... et je n'ai pas fini de la regretter. J'ai manqué mon rendez-vous avec les Français», a-t-il souligné.

«J'ai eu peur, j'ai eu très peur, j'ai été humilié», a relaté l'homme qui était sorti d'un commissariat de Harlem menotté et hagard. Des images qui ont fait le tour du monde. «Quand vous êtes pris dans les mâchoires de cette machine, vous avez l'impression qu'elle peut vous broyer.»

Selon lui, les contradictions parfois «surréalistes» dans les versions avancées par la plaignante ont clairement démontré qu'elle fabulait et ont obligé le procureur à abandonner toute poursuite.

«Toute cette histoire qu'elle a racontée est un mensonge... S'il y avait eu la moindre accusation qui tienne, il y aurait eu un procès», a déclaré M. Strauss-Kahn, qui était jusqu'en mai dernier le candidat favori des socialistes en vue de l'élection présidentielle de 2102.

Un complot?

L'ex-directeur général du FMI a soutenu qu'il était «possible» que ses ennuis judiciaires découlent d'un piège, voire d'un complot. De quoi alimenter le scepticisme des Français, qui se disaient majoritairement convaincus d'une telle manoeuvre après l'annonce-choc de son arrestation en mai.

L'ex-ministre a déclaré qu'il ne chercherait pas d'accord à l'amiable avec Nafissatou Diallo dans la poursuite civile qu'elle a parallèlement intentée contre lui. «Je n'ai pas l'intention de négocier. La procédure prendra le temps que ça prendra», a-t-il déclaré.

Les avocats de la jeune femme ont fait savoir récemment qu'ils étaient en contact en France avec d'autres présumées «victimes» de Dominique Strauss-Kahn qui pourraient témoigner contre lui.

Ils n'ont pas précisé si la liste incluait la journaliste française Tristane Banon, qui affirme avoir été victime d'une tentative de viol lors d'une rencontre survenue il y a une dizaine d'années. Une enquête préliminaire a été ouverte à ce sujet.

Selon plusieurs médias français, Dominique Strauss-Kahn aurait reconnu lors d'une rencontre avec les enquêteurs qu'il a tenté d'embrasser la jeune femme. Dimanche, il a déclaré qu'il n'y avait eu «aucun acte d'agression, aucune violence» à cette occasion, déplorant la version «imaginaire» et «calomnieuse» de la jeune femme.

Entrevue dénoncée

Qu'elles soient fondées ou non, les allégations lancées au sujet de l'ex-ministre ont torpillé sa carrière professionnelle et politique, le forçant notamment à se mettre en retrait du processus de sélection du candidat socialiste.

«Ce n'est pas mon rôle de m'immiscer dans la primaire», a indiqué M. Strauss-Kahn, qui n'a pas voulu dire s'il espérait ou non revenir en politique à plus long terme. «Toute ma vie a été consacrée à essayer d'être utile au bien public... On verra», a-t-il lancé.

En prévision de l'entrevue, de proches collaborateurs de l'ex-ministre ont insisté sur le fait qu'il n'était pas «dans une stratégie de retour politique et institutionnel».

Plusieurs organisations féministes ont fustigé son passage annoncé à la télévision, arguant qu'il aurait dû au moins attendre le dénouement du processus lié à la plainte de Tristane Banon.

La mère de la jeune femme, Anne Mansouret, qui est une élue socialiste, a critiqué son passage en ondes dimanche soir. «Il n'a rien expliqué et s'est livré à un exercice de dramaturgie après avoir dû beaucoup répéter», a-t-elle déclaré à l'Agence France-Presse.

- Avec l'AFP