Un peu plus de trois mois après avoir réussi à convaincre un grand jury d'inculper Dominique Strauss-Kahn pour crimes sexuels, les procureurs chargés de cette affaire retentissante ont fini par succomber à leurs propres doutes quant à la crédibilité de l'accusatrice, Nafissatou Diallo.

«La nature et le nombre des mensonges de la plaignante nous laissent dans l'impossibilité de donner crédit à sa version des événements au-delà d'un doute raisonnable, quelle que soit la vérité sur la rencontre entre la plaignante et l'accusé, a écrit le bureau du procureur de New York, Cyrus Vance, au juge Michael Obus. Si nous ne la croyons pas au-delà du doute raisonnable, nous ne pouvons pas demander à un jury de le faire.»

Indignés par cette motion, les avocats de Nafissatou Diallo ont réclamé la récusation de Cyrus Vance et la nomination d'un procureur spécial pour «restaurer la confiance» et assurer que des «poursuites justes» soient menées contre Dominique Strauss-Kahn.

«Le procureur du district de Manhattan, Cyrus Vance, a privé une femme de son droit d'obtenir justice dans une affaire de viol», a déclaré Kenneth Thompson à la presse après la convocation de sa cliente au bureau du procureur.

«Il a tourné le dos non seulement à cette innocente victime, mais aussi à toutes les preuves médicolégales et physiques dans cette affaire. Si le procureur du district de Manhattan, qui est élu pour protéger nos mères, nos filles, nos soeurs, nos femmes et nos bien-aimées, ne les défend pas lorsqu'elles sont violées ou agressées sexuellement, alors qui le fera?»

Vêtue d'un pull gris et d'un pantalon noir, Nafissatou Diallo est restée silencieuse et impassible durant cette conférence de presse impromptue.

William Taylor et Benjamin Brafman, les avocats de Dominique Strauss-Kahn, ont quant à eux exprimé leur satisfaction par communiqué. «Nous maintenons depuis le début que notre client est innocent. Nous maintenons également qu'il y a de nombreuses raisons de croire que l'accusatrice de M. Strauss-Kahn n'est pas crédible.»

«M. Strauss-Kahn et sa famille savent gré aux services du procureur d'avoir pris leurs préoccupations au sérieux et d'avoir conclu de lui-même que cette affaire ne pouvait aller plus loin», ont-ils ajouté.

Strauss-Kahn pourrait être fixé sur son sort dès aujourd'hui, à l'occasion d'une audience devant le juge Obus. Il fait face à sept chefs d'accusation, dont tentative de viol, agression sexuelle et séquestration.

Si le juge Obus accède à la demande des procureurs de New York, ce qui est hautement probable, Dominique Strauss-Kahn pourrait quitter les États-Unis immédiatement. Il ne serait cependant pas nécessairement au bout de ses peines. Les avocats de Nafissatou Diallo ont en effet intenté une poursuite civile devant un tribunal du Bronx pour obtenir des dommages-intérêts après l'agression «violente et sadique» dont la femme de chambre dit avoir été l'objet.

«Je l'ai trouvé en forme. Il s'entretient et fait une bonne demi-heure de gymnastique par jour. Il a minci et il a bronzé lors d'un petit séjour dans l'ouest du pays avec Anne Sinclair», a dit au journal France-Soir Michel Taubmann, journaliste et biographe de Dominique Strauss-Kahn, qui s'est entretenu avec l'ex-directeur du FMI samedi soir à New York. Selon Taubmann, DSK attend la décision de la justice new-yorkaise, mais «ne veut pas se réjouir trop vite». Et avant de rentrer en France, il voudrait se rendre à Washington afin de s'adresser au personnel du FMI. - Richard Hétu

Gilet gris et pantalon noir, Mme Diallo, qui accuse l'ancien patron du FMI de l'avoir contrainte à une fellation le 14 mai au Sofitel de Manhattan, est restée silencieuse.

Le formidable bras de fer judiciaire, qui oppose depuis trois mois l'ancien patron du FMI et la femme de chambre du Bronx, pourrait ainsi trouver son épilogue sans que l'on sache jamais ce qui s'est passé dans la suite 2806 du Sofitel.

Les avocats de M. Strauss-Kahn, auquel cette affaire a coûté son poste de directeur général du Fonds monétaire international, ont parlé d'une relation consentie, et décrit une femme uniquement intéressée par l'argent.

Le procureur, à l'origine de la spectaculaire arrestation de DSK le 14 mai, avait fin juin émis des doutes sur la crédibilité de son accusatrice, et sa capacité à convaincre un jury.

Il avait expliqué qu'elle avait menti à plusieurs reprises sur son passé et sur ce qui s'était passé tout de suite après les faits présumés. Elle avait également longtemps refusé d'admettre une conversation téléphonique -enregistrée- où elle aurait évoqué le 15 mai avec un ami emprisonné la fortune de M. Strauss-Kahn.

Fin juillet, la jeune femme illettrée avait elle-même reconnu des erreurs dans une interview télévisée. Mais elle avait assuré qu'elle disait la vérité, en racontant les larmes aux yeux et avec force détails son agression alors qu'elle venait faire le ménage dans la suite qu'elle pensait vide.

Une condamnation au pénal ne peut être obtenue à New York que par un jury unanime, convaincu «au delà du doute raisonnable».

La fin probable de la procédure pénale ne mettra cependant pas un point final à l'affaire aux États-Unis. Les avocats de Nafissatou Diallo ont en effet lancé au début du mois une procédure civile devant un tribunal du Bronx pour obtenir des dommages et intérêts après l'agression «violente et sadique» contre leur cliente.

Lundi, l'avocat de Mme Diallo a encore essayé d'empêcher l'abandon des poursuites, en demandant à un juge de dessaisir le procureur Vance et de nommer un procureur spécial pour s'occuper de l'affaire. Mais aucun expert n'y a accordé la moindre importance.

Enfin, de l'autre côté de l'Atlantique, Me Thibault de Montbrial, représentant en France de Me Thompson, a indiqué que Mme Diallo allait déposer plainte mardi pour tentative de subornation de témoin contre un adjoint au maire de Sarcelles, ville dont DSK avait lui même été l'édile.

Photo: Reuters

Cyrus Vance