Le procureur de Manhattan a annoncé mercredi le maintien des poursuites pour crimes sexuels contre Dominique Strauss-Kahn et exclu de se dessaisir de l'affaire, comme l'a réclamé l'avocat de la victime présumée en accusant le bureau du procureur de «fuites» dans la presse.

«Je vous écris pour le compte de la victime afin de demander le retrait immédiat de votre bureau» de l'affaire «DSK», écrit mercredi Kenneth Thompson, l'avocat de la femme de chambre de l'hôtel Sofitel de 32 ans qui accuse M. Strauss-Kahn, dans une lettre adressée au procureur Cyrus Vance.

«Les habitants de l'Etat de New York ont le droit d'avoir un ministère public équitable et impartial dans un dossier aussi important» et «votre bureau, malheureusement, a montré qu'il était incapable de remplir ces critères», ajoute l'avocat dans une lettre dont l'AFP a obtenu copie mercredi.

«Votre bureau est apparemment responsable de fuites répétées et préjudiciables dans les médias la semaine dernière, qui visaient à discréditer la réputation de la victime, voire, et c'est peut-être le plus grave, à ébranler les charges qui pèsent contre M. Strauss-Kahn», lance Me Thompson.

L'avocat évoque également un «possible conflit d'intérêts» entre l'ancien patron du FMI et l'accusation, ayant pour origine le fait qu'une responsable du bureau du procureur serait mariée à l'un des avocats de M. Strauss-Kahn.

Selon le New York Times du 20 juin, la femme en question s'était récusée dès que son mari avait appris que son cabinet allait travailler pour DSK.

Le procureur de Manhattan a aussitôt manifesté son «désaccord profond» avec le contenu de cette lettre et refusé de se retirer de l'affaire. «Toute suggestion selon laquelle ce bureau devrait se retirer est complètement dénuée de fondements», a déclaré Erin M. Duggan, porte-parole du bureau du procureur.

«L'enquête se poursuit», avait indiqué plus tôt le bureau du procureur Vance, à l'issue d'une réunion avec les avocats de l'ex-patron du FMI.

Toute la matinée, les médias avaient été suspendus au résultat de cette rencontre, attendant l'éventuelle annonce de l'abandon des poursuites contre «DSK». Mais aucune information n'a filtré de la réunion qualifiée de «constructive» par Benjamin Brafman, l'un des défenseurs de l'ancien ministre.

L'intéressé, tout sourire, est de son côté rentré à son domicile de Manhattan peu avant 16h30 accompagné de son épouse Anne Sinclair. Le couple, qui s'était rendu en fin de matinée dans un immeuble de bureaux proche de Times Square, n'a pas adressé la parole aux journalistes.

Libéré vendredi de son assignation à résidence, l'ancien directeur général du Fonds monétaire international est toujours formellement poursuivi pour crimes sexuels à la suite des accusations d'une femme de chambre guinéenne.

Mais le récit erroné, sous serment, de l'accusatrice, révélé à l'occasion d'une audience vendredi, semblait depuis compromettre la tenue d'un procès pour la tentative de viol présumée qui aurait eu lieu le 14 mai dans une chambre d'hôtel à New York.

La prochaine audience devant le tribunal pénal de New York est toujours prévue pour le 18 juillet.

Les ennuis judiciaires de Dominique Strauss-Kahn se poursuivaient pendant ce temps en France avec le dépôt par la journaliste Tristane Banon d'une plainte pour tentative de viol remontant à 2003. Le parquet de Paris a indiqué mercredi que cette plainte était «à l'étude».

Désormais, le parquet peut décider de mener une enquête préliminaire, d'ouvrir une information judiciaire confiée à des juges ou de classer sans suite. Il n'est soumis à aucun délai pour prendre cette décision.

La plainte de Tristane Banon concerne des faits allégués remontant à 2003, quand cette romancière âgée de 32 ans avait rencontré Dominique Strauss-Kahn dans un appartement parisien dans le cadre de la préparation d'un essai.

Pour DSK, la scène que Tristane Banon a racontée lors d'une émission télévisée en 2007, puis dans un entretien au site internet AgoraVox en 2008, est «imaginaire». Ses avocats ont prévenu qu'une procédure pour dénonciation calomnieuse serait engagée.

Passible de quinze ans de réclusion, la tentative de viol est un crime prescrit au bout de dix ans. L'agression sexuelle, elle, est un délit, qui est prescrit trois ans après les faits.

Mais l'enquête risque d'être compliquée par l'absence de témoins et d'expertise corporelle. «Dans ces affaires, c'est parole contre parole», reconnaît d'ailleurs la plaignante.

L'avocat de la jeune femme, Me David Koubbi a affirmé dans les médias qu'il disposait «de témoignages de personnes qui ont récupéré Tristane après les faits et de textos échangés à cette même période».

Plusieurs dirigeants socialistes ont exprimé leur dégoût en évoquant la plainte de Mlle Banon, Manuel Valls, candidat à la primaire socialiste, dénonçant un «torrent de merde» et le patron des députés PS Jean-Marc Ayrault un «feuilleton nauséabond».