Au moment où, aux États-Unis, l'accusation portée contre Dominique Strauss-Kahn commence à montrer des fissures, voilà que, en France, une seconde plainte de nature sexuelle sera déposée contre lui aujourd'hui: Tristane Banon, écrivaine et journaliste, a annoncé hier qu'elle portera officiellement plainte contre l'ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) pour tentative de viol. Mais les avocats de ce dernier n'ont pas perdu de temps: ils menacent d'accuser Mme Banon de «dénonciation calomnieuse».

Son nom avait émergé dès les premiers jours qui ont suivi l'incarcération de Dominique Strauss-Kahn: Tristane Banon, écrivaine et journaliste. En 2007, elle avait raconté à la télé comment elle avait été agressée sexuellement par un homme politique qu'elle avait qualifié de «chimpanzé en rut». Le nom de l'homme avait été couvert d'un bip lors de la diffusion, mais son identité était un secret de Polichinelle. Après avoir confirmé en mai dernier qu'il s'agissait bien de DSK et songé à porter plainte, Tristane Banon s'était tenue coite.

Hier, coup de théâtre: l'avocat de Tristane Banon a déclaré que sa cliente portera plainte aujourd'hui au parquet de Paris pour tentative de viol.

Alors que, dans l'affaire de l'agression sexuelle qui serait survenue le 14 mai à New York, la version de la plaignante américaine a été mise en doute le week-end dernier, l'avocat de Mme Banon a insisté hier pour dire que sa cliente «a réellement subi ce dont elle accuse M. Strauss-Kahn». «Ce qui signifie que le droit, en sa qualité de victime, lui est ouvert et qu'elle exerce ses droits de justiciable en exigeant réparation devant la justice française», a expliqué l'avocat David Koubbi au magazine français L'Express.

Et peu importe que l'accusation s'effondre aux États-Unis. «Ce qui se passe aux États-Unis ne nous concerne pas», a dit hier Me Koubbi. La décision de porter plainte a été prise «avant ce rebondissement du 1er juillet, à savoir dès la mi-juin».

«J'ai pris le temps nécessaire parce que je ne voulais pas que ma cliente soit instrumentalisée par la justice américaine, dit Me Koubbi. Je ne souhaitais pas, si le dossier contre M. Strauss-Kahn n'était pas suffisamment charpenté aux États-Unis, que sa parole soit liée à celle de [la plaignante] - dont je rappelle que si elle a menti sur certains aspects, cela ne veut pas dire qu'elle n'a pas été violée.»

À New York, l'avocat de la femme de chambre du Sofitel, Kenneth Thompson, a apporté son soutien à Tristane Banon.

La «plus grosse erreur» de DSK

En février 2003, Tristane Banon, 24 ans, réalise une série d'entrevues avec des personnalités françaises pour les besoins d'un livre, Erreurs avouées, qui sera publié en novembre de la même année. Elle rencontre d'abord DSK dans un bureau de l'Assemblée nationale, puis il lui propose un second rendez-vous, dans un appartement parisien.

En 2007, invitée à l'émission 93, faubourg Saint-Honoré, elle raconte ainsi cette seconde rencontre: «Il a voulu que je lui tienne la main pour répondre [aux questions]. Et puis de la main c'est passé au bras. [...] On a fini par se battre, on s'est battu au sol [...], pas qu'une paire de baffes, j'ai donné des coups de pied [...], il a dégrafé mon soutien-gorge [...], il a essayé d'enlever mon jean.»

À L'Express, l'éditrice Véronique de Bure a révélé samedi que l'écrivaine avait vécu cet incident comme «un véritable traumatisme». Le chapitre que Tristane Banon a écrit sur les «erreurs» de DSK, basé sur les réponses qu'il lui avait faites lors de leur première rencontre, ne raconte pas l'agression dont elle aurait été victime lors de la seconde rencontre. Mais les lecteurs n'ont jamais lu la partie sur DSK: «Le chapitre a été retiré à la suite d'un coup de fil à la maison d'édition», dit Mme de Bure.

La réplique de DSK

Une plainte de tentative de viol en France est frappée d'un délai de prescription de 10 ans, a rappelé hier l'avocat David Koubbi. Tristane Banon, qui avait été dissuadée de porter plainte à l'époque, notamment par sa mère, élue du Parti socialiste, est toujours en droit de le faire.

Selon le système judiciaire français, la plainte sera examinée par le parquet de Paris, qui a deux mois pour déférer le dossier à un juge d'instruction, chargé de l'étayer et de porter des accusations.

Une autre bataille juridique en vue pour les avocats de DSK, qui suivent l'affaire de près. En fin d'après-midi hier, ils ont déjà annoncé leur intention de porter plainte contre Tristane Banon pour «dénonciation calomnieuse», une infraction punissable de cinq ans d'emprisonnement.

- Avec l'AFP, Bloomberg et L'Express