Placé sous surveillance anti-suicide dans une prison de New York, Dominique Strauss-Kahn porte une combinaison carcérale grise et vit dans une petite cellule, où il est contrôlé tous les quarts d'heure, même quand il dort, par un gardien posté à quelques pas de lui.

La cellule de 3,3 mètres sur 3,9 est située dans l'aile ouest de la lugubre prison de Rikers Island, sur une île de l'East River au nord-est de Manhattan, tout près de l'aéroport de La Guardia.

C'est là que le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) attend son audience de vendredi, où il va apprendre s'il va devoir affronter un procès pour l'agression sexuelle et tentative de viol d'une femme de chambre dans la suite d'un grand hôtel.

D'ordinaire, un détenu en attente de procès bénéficie de différents droits, dont celui de porter ses propres vêtements et d'avoir des objets personnels.

Ce n'est pas le cas de DSK: une source policière, parlant sous le couvert de l'anonymat, a assuré à l'AFP qu'il avait été placé dans une zone normalement réservée aux prisonniers atteints de maladies contagieuses.

Dans cette cellule destinée à l'isoler le plus possible, le détenu dispose d'une douche, de WC et d'une petite table.

«Dans ce quartier, il n'y a personne d'autre que des gardiens. Un gardien est posté à quelques pas de lui», a ajouté cette source.

«Il n'a pratiquement aucune possibilité de cacher un objet», a précisé cette source.

Il doit aussi porter des chaussons sans lacets en toile et à semelle crêpe, a poursuivi le policier.

Dominique Strauss-Kahn, qui nie tout ce dont on l'accuse, a droit à une heure de sortie par jour. Il a aussi accès à une pièce où il peut regarder la télévision, où son affaire est traitée en boucle par toutes les chaînes américaines.

Norman Seabrook, président du syndicat des gardiens de prison, a souligné que tout était fait à Rikers Island pour protéger les prisonniers, DSK comme les autres, des tentatives de suicide.

Les gardiens le surveillent jour et nuit, et lorsqu'il est allongé ils doivent s'assurer qu'il respire, même lorsqu'il dort. «Si nous ne sommes pas sûrs, nous le réveillons pour nous en assurer», poursuit Norman Seabrook.

Dominique Strauss-Kahn, 62 ans, est classé «CMC» ou «cas contrôle central», ce qui signifie qu'il va être conduit au tribunal vendredi avec des mesures de sécurité extraordinaires.

«Chaque fois qu'il se rendra au tribunal, il sera escorté par nos unités d'urgence. Il sera menotté, aura des fers aux pieds, et sera conduit dans un véhicule escorté par des officiers de police spécialement entraînés», a assuré Norman Seabrook.

Pour M. Seabrook, ces mesures exceptionnelles et l'isolement ont été ordonnés «de façon à ne pas le mettre en danger. Nous le protégeons de quiconque pourrait être tenté de se faire un nom, de s'en prendre à lui».

Les responsables à Rikers Island se sont refusés à tout commentaire sur l'état psychologique du détenu.

Un porte-parole a assuré que tous les prisonniers étaient soumis aux mêmes règles de sécurité. «L'état de santé d'un détenu est confidentiel», a indiqué ce porte-parole.

Le «règlement exige que chaque détenu soit évalué en fonction du risque qu'il puisse se faire du mal ou en faire aux autres. L'administration pénitentiaire de la ville de New York observe les mêmes règles de sécurité et de santé pour tous les détenus», précise le document.

La surveillance de Dominique Strauss-Kahn, 62 ans, est ardue et inédite dans une prison qui héberge près de 14 000 détenus et nombre de criminels importants, mais personne du calibre politique et international du patron du FMI.

«Nous n'avons jamais eu un cas pareil», dit M. Seabrook. «C'est quelqu'un de très très haut niveau. Un candidat présidentiel d'une grande puissance qui est alliée des États-Unis». Pour lui, le département d'État pourrait en fin de compte intervenir pour essayer de «trouver quelque solution».

Les appels à la démission de Strauss-Kahn se sont fait plus pressants. Timothy Geithner, secrétaire américain au Trésor, a affirmé mardi que le potentiel candidat à la présidentielle française n'était «clairement plus en position de diriger» le FMI.

Par ailleurs, les pays européens placent leurs pions pour s'assurer de garder le siège de Strauss-Kahn dans leur giron et empêcher les pays émergents d'y placer l'un de leurs représentants.

L'Allemagne et d'autres gouvernements du Vieux Continent font déjà valoir que la région devrait garder les rênes du FMI, comme le veut la tradition depuis la Seconde Guerre mondiale. Les capitales citent les crises budgétaires dans la zone euro pour expliquer la nécessité de conserver le contrôle de l'organisation internationale. Le FMI est notamment impliqué dans les prêts de sauvetage budgétaire accordés à l'Irlande, la Grèce et au Portugal.

Christoph Steegmans, porte-parole de Berlin, a affirmé mercredi que Dominique Strauss-Kahn avait droit à la présomption d'innocence mais que «si la direction du FMI doit être remplie, le gouvernement soutient que le poste devrait être encore comblé par un Européen».

Les événements des derniers jours ont jeté un nouvel éclairage sur l'entente tacite qui réserve le Fonds monétaire international à un Européen et la Banque mondiale à un Américain.