Dominique Strauss-Kahn, accusé de crime sexuel par une employée d'hôtel, attendait en prison mardi la décision d'une chambre d'accusation sur la suite de la procédure, tandis que l'avocat de la victime présumée a assuré qu'elle vivait un traumatisme «extraordinaire».

Selon la chaîne américaine NBC, citant une source non identifiée, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a été placé par précaution sous surveillance anti-suicide, ce qui implique que le détenu soit contrôlé toutes les 15 à 30 minutes, qu'il soit vêtu d'une combinaison carcérale et qu'il porte des chaussures sans lacets.

Interrogé par l'AFP à ce sujet, un porte-parole de l'administration pénitentiaire de New York a répondu dans un communiqué que «l'état de santé d'un détenu est confidentiel».

Le «règlement exige que chaque détenu soit évalué en fonction du risque qu'il puisse se faire du mal ou en faire aux autres», a-t-il ajouté. «L'administration pénitentiaire de la ville de New York observe les mêmes règles de sécurité et de santé pour tous les détenus», précise le document, sans se prononcer sur l'état psychique de Dominique Strauss-Kahn, dont les photos menottes aux poignets ont fait le tour du monde.

Une chambre d'accusation («grand jury») de 16 à 23 jurés populaires doit se réunir en secret et en l'absence d'un juge, pour entendre les éléments de preuve de l'accusation et décider d'une inculpation ou non.

Si la chambre d'accusation inculpe formellement M. Strauss-Kahn, c'est devant un magistrat d'une juridiction plus élevée, mais également de première instance, la «New York Supreme Court», que le directeur général du Fonds monétaire international devra comparaître pour se faire signifier officiellement son inculpation -une audience qui a déjà été fixée à vendredi.

C'est alors que DSK devra dire s'il plaide coupable ou non. À ce jour, il nie toutes les charges qui pèsent contre lui, selon ses avocats, qui comptent également faire appel de la décision de le placer en détention et de lui refuser la liberté sous caution.

«Normalement (le procès) serait organisé dans un délai de trois mois à un an», a expliqué à l'AFP Randolph Jonakait, professeur à l'École de droit de New York.

Le patron du FMI a été conduit lundi soir dans l'immense prison de Rikers Island, une île de l'East River, où il bénéficie d'une cellule individuelle, selon un porte-parole de l'administration pénitentiaire.

«Il n'est pas en contact avec les autres prisonniers», a précisé à l'AFP le porte-parole.

M. Strauss-Kahn, interpellé samedi, a été écroué par décision de la juge Melissa Jackson, qui a refusé de le libérer sous caution d'un million de dollars, deux jours après son arrestation à l'aéroport John F. Kennedy de New York.

La juge a évoqué un risque de fuite pour ordonner son maintien en détention.

La défense de l'ancien ministre français a proposé en vain qu'il remette son passeport à la justice et qu'il s'engage à résider à New York chez sa fille.

L'épouse de M. Strauss-Kahn, l'ancienne journaliste Anne Sinclair, est arrivée lundi à New York, selon l'un des avocats de DSK, Benjamin Brafman.

DSK est visé par sept chefs d'accusation, dont acte sexuel criminel, tentative de viol et séquestration, à la suite des accusations d'une femme de chambre de 32 ans, employée de l'hôtel Sofitel de New York. L'acte sexuel criminel, qui recouvre une fellation forcée en droit américain, correspond en droit français à un viol. Le terme de viol ne recouvre en droit américain que la seule pénétration vaginale forcée.

Sortant de son silence, l'avocat de la victime présumée, Jeff Shapiro, a déclaré à la chaîne CNN que sa cliente vivait un traumatisme «extraordinaire».

«Le monde est sens dessus dessous pour elle», a déclaré Me Shapiro. «Depuis que c'est arrivé, elle n'a pas pu rentrer chez elle. Elle ne peut pas retourner travailler et elle n'a aucune idée de quoi l'avenir sera fait», a-t-il déclaré.

La victime présumée «n'arrêtait pas de pleurer» après les faits, a assuré de son côté mardi à l'AFP un restaurateur se présentant comme son frère. L'homme d'origine guinéenne, qui tient un petit restaurant dans le quartier de Harlem, affirme que sa soeur l'a appelé par téléphone samedi après-midi alors qu'elle était en compagnie de médecins et de policiers.

«Elle m'a dit: «il vient de se passer quelque chose de grave». Elle n'arrêtait pas de pleurer», a-t-il raconté.

La défense compte s'organiser notamment autour de l'emploi du temps du patron du FMI. Ses avocats assurent par exemple que celui-ci n'a pas voulu s'enfuir, mais qu'il a tranquillement déjeuné avec une personne dont l'identité n'est pas encore connue, avant de se rendre à l'aéroport où son vol pour Paris était déjà réservé.

Ils disent aussi qu'il a oublié à l'hôtel un de ses téléphones portables et a appelé le Sofitel pour qu'on le lui fasse porter, ce qu'il n'aurait pas fait s'il était en fuite.

Une autre ligne de défense possible, selon la presse new-yorkaise, serait la thèse de relations sexuelles consenties. Le New York Post et le New York Times citent une source «proche de la défense» affirmant que «le rapport peut avoir été consenti.» «Les preuves médico-légales, selon nous, ne coïncident pas avec un rapport forcé», a dit lundi devant la cour Me Brafman.

Des prélèvements ADN supplémentaires ont été effectués dimanche sur M. Strauss-Kahn, pour éventuellement détecter des traces de violence.

S'il devait être condamné, le patron du FMI encourrait de 15 à 74 ans de prison pour l'ensemble des chefs d'accusation dont il fait l'objet.

L'affaire a ébranlé la classe politique française à un an de la présidentielle, où DSK faisait figure de favori, dans le cadre d'une éventuelle candidature socialiste.

M. Strauss-Kahn a été nommé en 2007 à la tête du FMI pour un mandat de cinq ans. Le FMI a confirmé mardi qu'il ne bénéficiait d'aucune immunité diplomatique, et que l'organisation n'avait eu «aucun contact» avec son directeur général depuis son arrestation.