Le pouvoir français est sorti de sa réserve mardi, évoquant pour la première fois une éventuelle culpabilité de Dominique Strauss-Kahn, dont la présomption d'innocence reste défendue par ses amis socialistes qui ont vivement critiqué le système judiciaire américain.

Le Premier ministre François Fillon a déclaré que si les faits reprochés à Dominique Strauss-Kahn étaient «avérés», il s'agirait «d'un acte très grave qui n'appelle aucune excuse». Sans citer Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy a lui appelé les responsables de la droite au «sang-froid» et à la dignité».

Jusqu'à présent, seuls des responsables de la majorité s'étaient exprimés, appelant à la retenue et au respect de la présomption d'innocence et craignant que cette affaire ne ternisse l'image de la France dans le monde.

Encore sous le choc de l'incarcération de leur champion pour la présidentielle de 2012, les principaux dirigeants socialistes se sont retrouvés mardi matin pour une réunion de crise.

«Nous avions besoin de nous retrouver dans un moment douloureux, pour l'un d'entre nous et pour nous tous», a déclaré la patronne du PS Martine Aubry. «Unité, responsabilité, combativité: voilà les trois mots qui sont venus le plus ce matin», a-t-elle ajouté.

Martine Aubry a estimé que ce n'était «pas le moment» d'évoquer sa candidature aux primaires du PS pour désigner le candidat pour 2012, dont DSK était jusque là le grand favori.

Actuellement les principaux candidats sont le député François Hollande et la candidate malheureuse de 2007, Ségolène Royal. Martine Aubry avait indiqué qu'elle ne se présenterait pas face à Dominique Strauss-Kahn.

Les socialistes ont préféré mardi défendre la présomption d'innocence de leur camarade et s'en prendre à la justice américaine qui permet la publication d'images jugées dégradantes, comme celles de DSK menotté dans le dos, ou encore épuisé et réduit au silence face à sa juge dans la salle d'audience.

Arrêté samedi à New York, le patron du Fonds monétaire international (FMI) a été inculpé d'agression sexuelle, séquestration et tentative de viol. Il nie ces accusations, mais a il été incarcéré lundi dans une prison de New York.

«On a assisté à une mise à mort médiatique, à une exhibition organisée par la police américaine de Dominique Strauss-Kahn comme s'il était je ne sais quel ennemi public numéro un», a dénoncé l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter.

«On l'a ravalé délibérément au rang du minable dealer sauf que le dealer personne ne le connaît et lui le monde entier le connaît. C'est une destruction délibérée», a-t-il ajouté.

L'ancien ministre de la Culture Jack Lang a lui dénoncé «un lynchage». Selon lui, «il n'est pas impensable, quand on connaît le système américain» qui est «très politisé, qu'il y ait de la part de la juge une attitude» visant à «se payer un Français».

Les socialistes déplorent également une procédure accusatoire, dans laquelle DSK n'a pas encore pu s'exprimer.

Martine Aubry, tout comme le chef des députés Jean-Marc Ayrault, ont cependant appelé à «attendre les faits» et à «respecter» la plaignante, alors que des voix se font entendre pour critiquer le manque d'attention accordée à la victime présumée.

Un petit groupe de députés de droite s'en est ainsi pris «à la solidarité de caste» de certains socialistes à l'égard de DSK.

«La notoriété de DSK ne peut servir à banaliser le viol», a également jugé le Parti communiste.

Des associations féministes ont déploré que l'on ne parle pas «de ce qu'a pu ressentir» la jeune femme, y voyant le signe de la difficile reconnaissance des violences sexuelles contre les femmes. «Chaque année (en France), 75.000 femmes sont victimes de viol. Seules 10% d'entre elles portent plainte», a rappelé le mouvement Osez le Féminisme.