Trois militantes Femen européennes ont été arrêtées à Tunis mercredi, lors de leur première action seins nus dans le monde arabe pour réclamer la libération d'une militante tunisienne et dénoncer la condition de la femme dans le pays.

Face à une foule de journalistes réunis devant le palais de justice, les trois jeunes femmes, deux Françaises et une Allemande, hurlaient notamment «Free Amina», la militante Femen emprisonnée dans l'attente de son procès jeudi à Kairouan (centre) pour port illégal d'un vaporisateur lacrymogène.

Elles ont été interpellées sans ménagement par les policiers.

Certains avocats, associés à des passants, ont violemment agressé des journalistes, leur reprochant de se faire l'écho de l'action des Femen.

Durant cette bagarre, six journalistes français et tunisiens ont été interpellés pendant environ deux heures puis relâchés après que la police eut pris leurs dépositions concernant l'action des Femen.

Les Femen «seront placées en état d'arrestation et traduites en justice», a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère de la Justice, Adel Riahi, sans préciser les accusations qui pourraient être retenues, alors que l'attentat à la pudeur est passible de six mois de prison.

Elles sont désormais détenues par la brigade des moeurs et la consule de France, Martine Gambard-Trébucien, a pu les rencontrer. «Elles vont bien», a-t-elle déclaré à la presse.

«C'est la première action que nous menons dans le monde arabe», a déclaré à l'AFP par téléphone Inna Shevchenko, dirigeante de Femen à Paris.

«Ces pays (arabo-musulmans) et ces régimes totalitaires s'en prennent aux femmes. On ne fait pas attention à ce genre de choses (le risque d'emprisonnement)», a-t-elle encore dit.

La jeune Femen tunisienne, connue sous le pseudonyme d'Amina Tyler, a été arrêtée le 19 mai à Kairouan après qu'elle eut peint sur un muret proche d'un cimetière le mot Femen. Elle risque six mois de prison pour possession d'un vaporisateur d'autodéfense. Elle pourrait aussi être poursuivie pour profanation de cimetière, délit passible de deux ans de détention.

L'avocat d'Amina a indiqué à l'AFP rester confiant pour le procès de jeudi et a estimé que l'action des Femen ne compliquerait pas le dossier de sa cliente.

«Je ne pense pas que cela fera du mal à Amina parce qu'elle est poursuivie dans une affaire de droit commun et elle ne s'est pas déshabillée», a jugé maître Souheib Bahri.

Amina avait fait scandale en mars en publiant sur l'internet des photos d'elle seins nus à la manière des Femen, recevant notamment des menaces d'islamistes radicaux, selon son témoignage.

Ses proches la présentent comme une dépressive chronique suicidaire et ses parents l'ont longtemps empêchée de sortir de chez elle, arguant de sa sécurité. Amina, qui accusait sa famille de la séquestrer, a fugué fin avril, et elle apparaissait depuis régulièrement en public, sans pour autant se dénuder.

Le mouvement Femen, fondé en Ukraine et désormais basé à Paris, mène depuis plusieurs années des actions seins nu à travers le monde pour dénoncer notamment la discrimination de la femme.

La Tunisie, dirigée depuis la fin 2011 par un gouvernement dominé par les islamistes d'Ennahda, dispose de la législation la plus libérale du monde arabe concernant les droits des femmes, mais l'égalité n'y est pas consacrée.

L'opposition et les associations féministes militent pour l'inscription de l'égalité des sexes dans la Constitution en cours d'élaboration et accusent régulièrement Ennahda de remettre en cause les acquis des Tunisiennes.

Ennahda avait fait scandale durant l'été 2012 en proposant que la future loi fondamentale évoque la «complémentarité» des sexes et non l'égalité, un projet abandonné depuis.

Dans le dernier brouillon du projet de Constitution, daté d'avril, l'article 6 stipule que «tous les citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et devoirs» et le 11 note que «la femme et l'homme sont associés dans la construction de l'État».

L'article 42 souligne que l'État protège «les droits de la femme et soutient ses acquis (...) garantit l'égalité des chances entre la femme et l'homme (...) et garantit l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard de la femme».