L'islamiste Ali Larayedh, désigné vendredi pour former un nouveau gouvernement, a promis de former un cabinet dans lequel se retrouveront «tous les Tunisiens et Tunisiennes», insistant sur l'égalité entre les sexes.

«Nous allons entrer dans la phase de composition du nouveau gouvernement qui sera celui de tous les Tunisiens et Tunisiennes compte tenu du fait que hommes et femmes sont égaux en droits et en devoirs», a-t-il dit après avoir accepté de succéder au premier ministre démissionnaire, Hamadi Jebali, également membre du parti Ennahda.

Prisonnier torturé sous le régime tunisien déchu de Ben Ali, puis ministre de l'Intérieur après la révolution de 2011, Ali Larayedh est considéré comme un homme de dialogue appartenant au courant modéré de son parti Ennahda.

Âgé de 57 ans, M. Larayedh est une figure du mouvement islamiste depuis sa création. Il en a été le président du conseil de la Choura, le Parlement interne du parti, de 1982 à 1986, puis le chef de son bureau politique.

Cet ingénieur de la marine marchande a été arrêté la première fois en 1987 et condamné à mort, quelques mois avant que Zine El Abidine Ben Ali ne renverse Habib Bourguiba, le père de l'indépendance tunisienne et gracie les islamistes menacés d'exécution.

Mais dès 1990, il est arrêté de nouveau, puis condamné en 1992 à 15 ans de prison, dont 13 à l'isolement. Alors que la répression contre les islamistes bat son plein, il subit pressions et tortures comme nombre de ses camarades d'Ennahda.

Le régime le menace de lui inoculer le virus du sida et diffuse des montages vidéo à caractère pornographique le mettant en scène avec un autre homme afin de le discréditer.

Son épouse Ouidad, mère de leurs trois enfants, a subi en prison des violences sexuelles filmées pour faire pression sur son mari, selon la Fédération internationale des droits de l'homme.

Cependant, en octobre 2011, dans la foulée de la révolution de l'hiver précédent, les premières élections libres de l'histoire de la Tunisie voient son parti triompher. Et deux mois plus tard, cet homme moustachu au visage émacié encadré de lunettes devient ministre de l'Intérieur, à la tête des services dont dépendaient ses bourreaux.

Bête noire des salafistes

«J'ai frôlé la mort à plusieurs reprises dans les geôles du ministère de l'Intérieur. Mais je fais la différence entre cette période et maintenant. La révolution est venue pour avancer et instaurer une justice transitoire et non pour se venger», explique-t-il alors.

Natif de Médenine, dans l'extrême sud du pays, Ali Larayedh est considéré comme un homme de dialogue appartenant à la frange modérée du parti islamiste, tout comme le premier ministre démissionnaire, Hamadi Jebali.

Les chefs de l'opposition laïque évoquent son ouverture d'esprit par rapport à d'autres dirigeants islamistes de sa génération.

Le bilan de ses 14 mois à l'Intérieur est cependant mitigé, marqué par des accusations régulières laxisme face à l'essor d'une mouvance salafiste violente.

M. Larayedh a ainsi été très critiqué pour n'avoir déployé qu'un dispositif de sécurité minimal autour de l'ambassade des États-Unis le 14 septembre 2012, alors que les islamistes radicaux appelaient à manifester devant le bâtiment.

Les forces de l'ordre ont été rapidement débordées par les manifestants qui ont pu pénétrer dans l'enceinte et incendier son stationnement ainsi que l'école américaine voisine. Finalement, quatre assaillants ont été tués par les policiers.

Mais Ali Larayedh est aussi la bête noire des salafistes, et a ainsi été mainte fois la cible des attaques d'Abou Iyadh, un chef djihadiste considéré comme l'organisateur de l'attaque contre l'ambassade.

«Je m'adresse au ministre de l'Intérieur en personne pour lui dire : vous êtes devenu un fardeau pour votre mouvement et un fardeau pour le peuple», a ainsi lancé Abou Iyadh mi-septembre depuis une mosquée du centre de Tunis encerclée par la police, avant de réussir à s'échapper.