Des heurts ayant fait une quinzaine de blessés ont opposé vendredi les forces de l'ordre à des manifestants à Tunis où la police a chassé ceux qui faisaient encore le siège du premier ministre, au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement de transition.

Dans l'après-midi, la police anti-émeute a procédé à l'évacuation musclée de l'esplanade de la Kasbah, siège de la primature, au cinquième jour d'occupation par des manifestants qui exigent la démission du gouvernement de Mohammed Ghannouchi.

Bombardée de pierres, la police a répliqué par une pluie de grenades lacrymogènes et progressé vers la place, a constaté l'AFP. Les militaires se sont contentés d'observer, l'arme au pied.

Sur l'esplanade, survolée par un hélicoptère, des militaires ont démonté les tentes des manifestants. Puis des policiers ont disposé des barrières pour empêcher les manifestants de revenir. En début de soirée, les services de la voirie s'affairaient à nettoyer la place jonchée de débris.

«J'ai dénombré une quinzaine de blessés, certains présentant des traumatismes», a déclaré à l'agence tunisienne TAP un médecin ayant porté assistance aux victimes.

«On a 15 blessés, la plupart avec des fractures aux mains ou aux jambes», a déclaré à l'AFP Oualid Aloui, porte-parole d'un groupe de manifestants venus de Kasserine, localité du centre-ouest du pays, l'un des bastions de la révolution tunisienne.

«Nous sommes dans un autobus» à la sortie sud de Tunis pour rentrer à Kasserine, a-t-il ajouté, assurant que les manifestants venus de la ville voisine de Sidi Bouzid étaient «déjà rentrés».

Dans la matinée, un noyau dur de manifestants continuait d'insister pour obtenir le départ du premier ministre, qui a été pendant les dernières onze années le chef du gouvernement du président déchu Zine El Abidine Ben Ali.

«La majorité veut continuer pour dégager Ghannouchi, tout le gouvernement doit sauter, surtout Ghannouchi», assurait Khaled Salhi, étudiant de 22 ans.

Après avoir été chassés de l'esplanade, des centaines de protestataires ont reflué vers l'avenue Habib Bourguiba, où les heurts ont repris de plus belle.

L'artère, qui avait retrouvé un visage avenant avec ses terrasses de cafés bondées et ses badauds s'adonnant au lèche-vitrines, s'est totalement vidée en quelques instants. L'air était rempli de fumées de grenades lacrymogènes, et l'avenue totalement bouclée. La police poursuivait dans les rues adjacentes des petits groupes de manifestants, en arrêtant certains.

Après trois jours d'âpres tractations, M. Ghannouchi a en grande partie cédé à la pression quotidienne de milliers de manifestants en formant jeudi soir une nouvelle équipe de transition profondément remaniée.

Cinq des sept anciens ministres du dernier gouvernement de Ben Ali ont été remerciés, notamment tous ceux qui occupaient les postes-clés: Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Finances. Ils ont été remplacés par des technocrates ou des personnalités indépendantes peu connues de l'opinion.

«Un gouvernement est là. L'économie doit repartir, les gens doivent se remettre au travail», a affirmé à l'AFP Mouldi Jandoubli, un responsable de la centrale syndicale l'UGTT, qui a joué un rôle central dans la «révolution du jasmin».

La France a rapidement salué la formation de cette nouvelle équipe, en soulignant qu'elle devait préparer des élections «dans les meilleures conditions».

Dans un entretien téléphonique vendredi avec le nouveau chef de la diplomatie tunisienne Ahmed Abderraouf Ounaïs, la Haute représentante de l'UE aux Affaires étrangères, Mme Catherine Ashton, l'a invité à Bruxelles la semaine prochaine.

Mme Ashton a également indiqué qu'elle enverrait une mission d'experts en Tunisie la semaine prochaine pour aider à la préparation et à l'organisation d'élections.