À l'instar de la France, de la Suisse et de l'Union européenne, le Canada pourrait geler les actifs du président tunisien déchu Zine el-Abidine Ben Ali et de sa famille.

C'est ce qu'a indiqué Ottawa, hier, qui a du coup dénoncé l'arrivée de proches du dictateur au pays, il y a quelques jours.

«M. Ben Ali, les membres destitués de l'ancien régime tunisien et leurs proches ne sont pas les bienvenus au Canada», a déclaré une porte-parole du ministère fédéral de la Citoyenneté et de l'Immigration, Melanie Carkner.

Un jet privé avec à son bord quatre ou cinq membres de la belle-famille de M. Ben Ali serait arrivé à Montréal jeudi dernier, selon le Journal de Québec. Le groupe demeurerait depuis dans un hôtel de l'ouest de la ville. Leur identité n'avait toujours pas été révélée au moment de mettre sous presse.

Le ministre canadien de la Citoyenneté et de l'Immigration, Jason Kenney, a déclaré que ces personnes se trouvaient légalement au pays, car elles auraient le statut de résident permanent au Canada.

Au moins un beau-frère de Ben Ali (Belhassen Trabelsi) détiendrait un tel statut, et ce, depuis 2009. Riche homme d'affaires controversé en Tunisie, il est à la tête d'un empire présent dans les secteurs médiatique, bancaire et du transport aérien.

La semaine dernière, le gouvernement provisoire de la Tunisie a annoncé qu'il ouvrait une enquête dans l'espoir de faire la lumière sur «l'acquisition illégale de biens» et sur des «placements financiers illicites à l'étranger». La fortune du président déchu et de ses proches est évaluée à 5 milliards de dollars. À ce jour, une trentaine d'entre eux ont été arrêtés.

La Suisse, la France et l'Union européenne ont déjà annoncé qu'elles tenteront de geler les actifs de la famille ou de «bloquer les mouvements financiers suspects».

Hier, le Canada a ouvert la porte à des démarches similaires.

«Il y a une série d'options qui permettent de geler des actifs, y compris par l'entremise des Nations unies ou à la demande d'un gouvernement étranger», a expliqué Melissa Lantsman, directrice des communications du ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon.

«Notre gouvernement est prêt à travailler avec l'ONU ou le gouvernement tunisien pour appliquer un tel gel.»

Maison à Westmount

On ignore pour l'instant quels sont les biens que détiennent l'ex-dictateur ou sa famille au Canada. À Montréal, ils posséderaient au moins une maison: celle de Mohamed Sakher El Materi, gendre du président, qu'il a achetée en 2008 à Westmount pour la somme de 2,5 millions.

La semaine dernière, un avocat a affirmé que la maison avait été vendue à ses clients. Mais le nom du gendre de l'ex-dictateur figure toujours au registre foncier.

Hier, la luxueuse maison de pierres, qui offre une vue imprenable sur le centre-ville, était vide. «Ça fait plus d'un an qu'il n'y a personne», a dit une voisine, qui n'a pas voulu être nommée. «Un couple est venu y passer un mois, il y a environ deux ans. La femme a accouché, puis ils sont repartis.»

Par ailleurs, l'Association des droits de la personne au Maghreb et le Collectif de solidarité au Canada avec les luttes sociales en Tunisie ont mandaté l'avocat Kamel Balti pour poursuivre l'entourage du l'ex-dictateur en justice.

Au cours d'un entretien avec La Presse, Me Balti a indiqué qu'il demanderait au gouvernement de divulguer l'identité des proches de l'ex-dictateur arrivés récemment au Canada. Il compte de plus invoquer la convention de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour qu'on leur retire leur statut de résident permanent. «On veut contribuer à cette lutte contre la corruption des agents publics et lancer un message clair à toutes les dictatures», a-t-il expliqué.

Sonia Djelidi, coordonnatrice du Collectif de solidarité avec les luttes sociales en Tunisie, qui participe à la démarche judiciaire, doute quant à elle que ce statut soit toujours valide : les résidents permanents doivent avoir vécu au Canada pendant au moins deux ans, pour chaque tranche de cinq ans.