Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a regretté samedi soir la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, estimant que celui-ci était «toujours le président légal de la Tunisie», dans un discours «à l'adresse du peuple tunisien» diffusé par les médias d'État.

«Vous avez subi une grande perte (...) Il n'y a pas mieux que Zine» (El Abidine Ben Ali) pour gouverner la Tunisie, a déclaré le numéro un libyen.

«Je n'espère pas seulement qu'il reste jusqu'à 2014, mais à vie», a-t-il encore dit.

«Il n'a fait que de bonnes choses pour la Tunisie», a-t-il ajouté, saluant les «performances de l'économie tunisienne» reconnues selon lui par les organisations internationales.

Le colonel Kadhafi a estimé par ailleurs que M. Ben Ali, définitivement écarté samedi du pouvoir par le Conseil constitutionnel tunisien, était toujours «le président légal de la Tunisie selon la constitution».

«Il est encore le président de la Tunisie», a-t-il insisté, estimant que «le mandat du président doit durer jusqu'à sa fin», en 2104.

«Ben Ali vous a dit qu'il quittera le pouvoir, dans trois ans. Pourquoi n'avez-vous pas patienté ?».

«La Tunisie, un pays touristique et développé, devient la proie de bandes cagoulées, de vols et d'incendie», a-t-il déploré, estimant que la Tunisie était «dans le chaos, dont on ne voit pas la fin».

Selon le colonel Kadhafi, le peuple tunisien a été «victime des mensonges» diffusés sur internet, citant notamment WikiLeaks et les réseaux sociaux, qui ont joué un grand rôle dans les manifestations ayant conduit la chute de M. Ben Ali malgré le contrôle imposé par les autorités tunisiennes sur internet.

«Vos fils meurent parce qu'un autre président va prendre le pouvoir à la place de Ben Ali? (...) Les morts vont être oubliés même avec un nouveau président», a-t-il déclaré.

Le colonel Kadhafi a estimé que le nombre des victimes dans les contestations qui ont chassé M. Ben Ali au pouvoir serait justifié «si le peuple tunisien défendait une cause juste qui est le pouvoir du peuple», incitant la Tunisie à adopter son modèle de «démocratie directe».

Selon la théorie de Kadhafi, ce modèle permet théoriquement au peuple libyen de gouverner par l'intermédiaire de comités populaires élus par des congrès populaires qui se réunissent annuellement pour prendre les décisions qu'ils font «remonter» au Congrès du peuple (Parlement), la plus haute instance législative du pays.

À l'issue du discours, la télévision d'État libyenne a diffusé des images qui ont fait le tour de monde de manifestants durement réprimés par la police devant le ministère de l'Intérieur à Tunis, ainsi que des scènes de pillages et d'incendie, sur fond de musique triste.

Après un mois de manifestations durement réprimées, M. Ben Ali, qui entretenait des relations privilégiées avec le chef de la révolution libyenne, a quitté la Tunisie vendredi. Le Conseil constitutionnel a déclaré samedi la vacance du pouvoir et nommé le président du Parlement au poste de président par intérim, comme le prévoit la Constitution.

M. Ben Ali, qui s'est réfugié en Arabie saoudite, a appelé samedi matin au téléphone le colonel Kadhafi, selon l'agence de presse officielle libyenne Jana, qui n'a pas donné de détails.