Jerrican à la main, emmitouflées dans leurs manteaux ou confinées dans leur voiture, plusieurs centaines de personnes ont attendu des heures durant un camion-citerne à l'un des points de distribution gratuite de carburant mis en place à New York. Il n'est jamais venu.

«C'est inacceptable», s'insurge Jamie Williams.

«On a attendu debout, pendant des heures, je suis gelée. Et tout à coup toutes ces voitures de police arrivent, comme s'ils voulaient éviter des émeutes, et on nous annonce qu'il n'y aura pas d'essence», dit-elle, excédée, en poussant le chariot contenant ses trois jerricans rouges, vides.

«Mais qui peut-on blâmer? Pas ces policiers».

Ils étaient comme elle environ 200 personnes à attendre dans le froid glacial, devant le grand hangar de briques rouges de la Garde nationale, dans le quartier du Bronx. Vers 17h, après plus de cinq heures d'attente pour certains, on leur a annoncé que le camion-citerne ne viendrait pas.

La file de voitures était autrement plus longue. Plus de deux kilomètres, selon le lieutenant-colonel James Freehart.

Plusieurs soldats gardaient l'entrée du bâtiment, prêts à faire face au moindre débordement. Des voitures de police bloquaient la rue.

Les autorités avaient annoncé dans la matinée que cinq points de distribution d'essence gratuite allaient ouvrir dans la ville pour remédier à la pénurie.

Cinq jours après le passage de l'ouragan Sandy, près de 40% des stations-service de la ville sont vides ou bloquées faute d'électricité pour actionner les pompes.

Gary Vicuna était le premier de la queue des piétons.

«Dès que j'ai entendu à la télé qu'ils allaient donner de l'essence, je me suis dépêché pour venir ici et je suis arrivé à 10 heures», raconte-t-il. Il a de la peine à parler tant il est ankylosé.

Il a juste eu le temps de boire un thé avant de partir de chez lui, et n'a rien pu manger ensuite. Il a patienté, calmement, avec son frère comme compagnon d'infortune, derrière une petite barrière installée par la Garde nationale pour empêcher les gens d'avancer. En vain.

Comme lui, presque tous sont repartis en râlant à voix haute, mais sans faire d'histoire.

Une dizaine d'autres étaient plus énervés, à l'image de Chris Edmin.

«Ce n'est pas tant qu'il n'y a pas d'essence. C'est la façon dont on nous l'annonce», lance-t-il au représentant de la municipalité venu sur place.

«C'est un manque d'égard pour toute la communauté» de ce quartier populaire de New York, «la goutte d'eau qui fait déborder le vase», poursuit-il en haussant le ton.

Afiyah Muhammad, 41 ans, était retournée, dépitée, à sa voiture dès le milieu de l'après-midi, quand la Garde a demandé aux personnes et aux automobilistes qui venaient s'ajouter à la queue de rebrousser chemin.

«C'est horrible, c'est le bordel», lance-t-elle. «J'ai reçu un texto vers 13h et j'ai utilisé le peu qui me restait dans mon réservoir pour venir ici», à une vingtaine de minutes de son domicile.

Elle est tombée en panne d'essence mercredi soir. Son mari a marché près de deux heures jeudi matin pour récupérer l'équivalent de 10 dollars de carburant, mais depuis, il n'a pas réussi à trouver de station-service ouverte.

Julio Mosquea, la soixantaine, était arrivé parmi les premiers au volant de sa camionnette, indispensable pour exercer son métier d'installateur de chauffe-eau.

Il a patienté tranquillement, sans chauffage ni radio pour économiser ses batteries.

«J'en ai besoin de cette essence», explique-t-il en énumérant la liste des stations-services du quartier où il n'a pas pu s'approvisionner.

Il était prêt à rester longtemps dans la queue pour se procurer le précieux liquide. «Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre qu'attendre?», dit-il en haussant les épaules.