Les Cayes - Sur la route qui relie Port-au-Prince aux Cayes, au sud d'Haïti, des hommes s'acharnent avec leurs pelles et leurs pioches sur un amoncellement de pierres qui bloque la voie. Des mètres et des mètres de débris entraînés par l'eau d'une des nombreuses rivières qui ont débordé durant le passage de l'ouragan Sandy et qui sèchent maintenant sous un soleil de plomb.

«On n'a pas le choix de prendre les choses en main. Sinon, cette route ne sera jamais déblayée», rage un homme, ruisselant de sueur. Ses camarades et lui, pourtant de simples citoyens, en ont eu assez d'attendre que les autorités bougent.

Une semaine après la tempête, qui a fait plus de victimes en Haïti - 58 morts et 20 disparus - que n'importe où ailleurs, et même si l'état d'urgence a été décrété mardi soir, l'aide se fait toujours attendre sur la côte sud de l'île.

Presque trois ans après le tremblement de terre dont les cicatrices sont toujours visibles partout, voilà que les mêmes maisons et les mêmes routes sont cette fois inondées. Le long de la route principale qui traverse le pays, on voit des plantations entières de bananiers et de haricots entièrement ravagés. Des centaines de têtes de bétail ont disparu avec la tempête.

Et maintenant que l'eau s'est retirée, la maladie et l'itinérance guettent les sinistrés.

Le choléra

Aux Cayes, une des villes les plus touchées par Sandy, la moitié de l'hôpital et une partie de la prison ont été inondées vendredi dernier. Il a fallu évacuer plus de 50 malades et femmes en couches. «On ne s'attendait pas à ce que ça frappe aussi fort», reconnaît le directeur de l'établissement, le Dr Joseph Yves Domercant. «Tout ça, c'était dans l'eau», dit-il en montrant deux édifices blancs au plafond bas qui abritent les services de maternité et de médecine interne. «Évidemment, on a eu beaucoup d'infiltration dans les murs. Il a fallu tout décontaminer.» Encore une fois, ce n'est pas l'État qui a aidé, mais un groupe de scientologistes. Le hall d'entrée de la pédiatrie est encore aujourd'hui couvert d'un liquide visqueux dans lequel patients et médecins sont forcés de marcher.

Mais ce n'est pas ce qui inquiète le Dr Domercant. Depuis l'ouragan, il reçoit des dizaines et des dizaines de malades du choléra. «On a toujours une augmentation durant la saison des pluies, mais c'est pire que jamais depuis la tempête», dit-il.

Derrière lui, ils sont plus de 20 couchés dans des lits de fortune sous deux tentes de plastique fournies par l'ONU. Un trou a été fait dans les lits au niveau des fesses et un bol placé en dessous pour qu'ils puissent se soulager. L'odeur est infecte. Dehors, deux infirmières en blouse blanche surveillent attentivement leurs patients. «Je m'attends à en recevoir encore beaucoup», soupire le directeur.

De l'eau par-dessus les fenêtres

Au plus fort de l'ouragan, les flots ont englouti des quartiers complets de la ville, mais aussi des cantons de Léogâne et de Miraguan, notamment. Dans certaines maisons, l'eau a monté par-dessus les fenêtres du rez-de-chaussée. Des abris de fortune datant du séisme ont été complètement détruits avec le peu que les familles avaient réussi à sauver lorsque la terre a tremblé. Une semaine plus tard, la crue a baissé, mais ses traces brunâtres et puantes sont visibles partout. Ici, une pile de déchets dans lesquels fouillent quelques chiens, là, une jeep embourbée. À Miraguan, la route est toujours couverte d'eau. Des conducteurs se risquent à passer, d'autres préfèrent rebrousser chemin. Pourtant, aucune trace des autorités.

Au bord des cours d'eau, c'est le grand nettoyage. Les galets sont couverts de vêtements que les femmes mettent à sécher après les avoir savonnés du mieux qu'elles pouvaient. «C'était plein de vase. Ça sentait mauvais. La crasse, quoi», dit une jeune mère de famille, un bébé accroché à la hanche.