Dès que le visage de Mahmoud Abbas est apparu sur l'écran géant installé au centre de Ramallah, en Cisjordanie, cris, sifflements et applaudissements ont fusé des milliers de personnes venues entendre son discours, retransmis en direct de l'Assemblée générale de l'ONU.

Le square Yasser-Arafat, renommé récemment en l'honneur du leader palestinien mort en 2004, avait été pavoisé de fanions aux couleurs du drapeau palestinien. Dans une ambiance festive, brandissant drapeaux et portraits de leur président, des Palestiniens de tous âges ont célébré la demande officielle d'adhésion d'un État palestinien présentée à l'ONU hier.

«Le peuple veut déclarer un État», «Palestine 194», ont scandé les manifestants, en référence à leur espoir de voir la Palestine devenir le 194e État membre de l'ONU. Des rassemblements ont aussi eu lieu à Hébron et à Naplouse.

Même si la création d'un pays est loin d'être gagnée, le geste de Mahmoud Abbas semble avoir redonné espoir aux Palestiniens. «Je suis très contente de la demande à l'ONU, a dit Maha Rabei, avocate de 33 ans rencontrée sur place. J'espère que nous aurons un pays. Et si nous ne l'obtenons pas à l'ONU, je crois que ça peut quand même apporter quelque chose de positif pour l'avenir. Cela aura de bonnes conséquences, même si ça prend un an ou deux.»

Palestinien tué

Si la manifestation s'est déroulée dans une ambiance joyeuse, des violences ont été signalées ailleurs en Cisjordanie. Un homme a été tué par les troupes israéliennes dans le village de Qusra, près de Naplouse. Les soldats auraient utilisé de vraies balles pour disperser les affrontements entre des villageois palestiniens et des colons israéliens, selon l'agence Reuters. Trois autres Palestiniens ont été blessés légèrement par des balles de caoutchouc.

Des heurts ont également été signalés dans le village de Nabi Saleh, théâtre tous les vendredis d'une manifestation contre le mur de séparation israélien.

Des troubles ont aussi éclaté en après-midi près du poste de contrôle de Qalandia, accès principal entre Jérusalem et Ramallah, qui avait été fermé en prévision d'affrontements. De jeunes Palestiniens auraient lancé des pierres aux soldats israéliens. Les militaires ont tiré plusieurs grenades lacrymogènes sur la foule.

À quelques centaines de mètres, les commerçants observaient les nuages blancs à l'odeur âcre et les ambulances qui roulaient à toute vitesse.

Yehia Fialay, jeune homme de 21 ans, avait quitté la pâtisserie où il travaille pour regarder la scène. Il approuvait le geste des jeunes lanceurs de pierres, mais il n'avait aucune intention de se rendre au centre de Ramallah pour regarder le discours du président. «Je ne soutiens pas la demande et je ne suis pas d'accord avec Abbas», a-t-il dit, rappelant la déclaration d'indépendance faite par Arafat en 1988. Selon lui, le gouvernement devrait exercer les pleins pouvoirs sur le territoire sans demander l'approbation de l'ONU.

Les arcanes de l'ONU

La demande de reconnaissance de l'État palestinien souffrira-t-elle de «mort par comité de l'ONU»? C'est la question que pose Salman Shaikh, directeur du Centre Brookings de Doha, succursale d'un groupe de réflexion de gauche américain.

Dans une analyse publiée sur le site internet de Brookings, M. Shaikh indique que le Conseil de sécurité adressera probablement la requête au «Comité sur l'admission des nouveaux membres», qui regroupe les 15 membres du Conseil. Et que ce Comité pourrait étirer les discussions sur ce cas pendant des semaines, voire des mois.

Par contre, en cas de veto américain à une réponse positive du Conseil de sécurité, la Palestine pourrait demander que ce veto soit annulé par une majorité des deux tiers de l'assemblée générale de l'ONU. La BBC note par ailleurs que si le Conseil de sécurité proposait comme compromis que la Palestine soit admise en tant qu' «État observateur non membre», le même statut que le Vatican (et que la Suisse jusqu'en 2002), cela pourrait signifier qu'elle perdrait le droit de représenter la diaspora palestinienne, forte de quatre millions de personnes. La France a fait cette proposition cette semaine.