«Nous verrons»: Donald Trump a réagi mercredi avec une grande prudence aux menaces de la Corée du Nord d'annuler son sommet à venir avec Kim Jong-un.

Après des mois de rapprochement et de détente diplomatique, Pyongyang a opéré mercredi un spectaculaire retour à sa rhétorique traditionnelle, évoquant la possibilité de remettre en cause le face-à-face historique prévu mi-juin à Singapour.

«Rien ne nous a été notifié, nous n'avons rien entendu [...]  Nous verrons ce qui va se passer», a lancé depuis le Bureau ovale M. Trump qui, fait notable, s'est abstenu de tweeter sur ce dossier sensible au cours des dernières 24 heures.

«Nous verrons», a répété le président septuagénaire qui ne cache pas, depuis plusieurs semaines, son enthousiasme et son optimisme sur l'issue de cette rencontre inédite avec l'homme fort de Pyongyang.

Pyongyang, qui a annulé une rencontre de haut niveau avec la Corée du Sud pour protester contre des exercices militaires annuels en cours entre Séoul et Washington, a haussé le ton par la voix son ministre adjoint des Affaires étrangères, Kim Kye Gwan.

«Si les États-Unis tentent de nous mettre au pied du mur pour nous forcer à un renoncement nucléaire unilatéral, nous ne serions plus intéressés par un tel dialogue», a-t-il lancé.

«Pression maximale»

Washington exige «la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible» de la Corée du Nord. Mais pour l'heure, celle-ci n'a pas rendu publiques les concessions qu'elle propose, hormis des engagements envers la dénucléarisation de la «péninsule coréenne», une formule sujette à interprétation.

Par le passé, Pyongyang a exigé le retrait des troupes américaines déployées au Sud pour protéger Séoul de son voisin, de même que la fin du parapluie nucléaire américain sur son allié.

La Chine, plus proche allié de la Corée du Nord, a appelé à la tenue du sommet comme prévu.

Sarah Sanders, porte-parole de la Maison-Blanche, a assuré avoir toujours «bon espoir» que le tête-à-tête très attendu ait lieu, tout en soulignant que rien n'était gravé dans le marbre.

«Comme le président l'a dit à plusieurs reprises, nous sommes prêts pour cette rencontre, et si elle se produit, c'est très bien, sinon nous aviserons», a-t-elle expliqué sur Fox News, promettant, en l'absence de compromis avec Pyongyang, de «poursuivre la campagne de pression maximale en cours».

Le haut diplomate nord-coréen a également tiré à boulets rouges sur le conseiller américain à la Sécurité nationale John Bolton, qui a évoqué le «modèle libyen» pour la dénucléarisation du Nord.

Il s'agit d'une «tentative sinistre d'imposer à notre digne État le destin de la Libye et de l'Irak», a-t-il lancé.

Le Nord justifie de longue date ses armes nucléaires par la menace d'invasion américaine. Après avoir renoncé à son programme atomique, le leader libyen Mouammar Kadhafi avait été tué lors d'un soulèvement soutenu par des bombardements de l'OTAN.

Le diplomate nord-coréen a par ailleurs balayé la proposition du secrétaire d'État américain Mike Pompeo - qui s'est rendu deux fois à Pyongyang - selon laquelle les États-Unis pourraient apporter une aide économique à la Corée du Nord, en échange de la dénucléarisation

«Tactique diplomatique»

Ces dernières semaines, outre un sommet rarissime avec le président sud-coréen Moon Jae-in dans la Zone démilitarisée (DMZ) qui divise la péninsule, Kim Jong-un a rencontré deux fois le président chinois Xi Jinping et annoncé qu'il détruirait la semaine prochaine son site d'essais nucléaires.

D'après les analystes, Pyongyang cherche à recadrer les termes du débat.

«C'est une tactique diplomatique», a déclaré à l'AFP Kim Hyun-wook, professeur à l'Académie diplomatique nationale de Corée. «C'est la politique du précipice pour changer la position américaine.»

«On dirait que Kim Jong-un a été contraint d'accepter les exigences américaines de la «dénucléarisation d'abord» et qu'il tente maintenant de changer de position après avoir normalisé les relations avec la Chine», a-t-il ajouté.

Pour Joshua Pollock, de l'Institut Middlebury des études internationales, le Nord a été irrité par le ton «triomphaliste» de Washington.

Pyongyang a passé des années à constituer son arsenal nucléaire, menant l'année dernière son sixième essai atomique, le plus puissant à ce jour. Ses ambitions militaires lui ont valu de multiples salves de sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU tandis que MM. Trump et Kim échangeaient insultes personnelles et menaces belliqueuses.

Mais les Jeux olympiques d'hiver organisés en Corée du Sud ont été le catalyseur d'un rapprochement spectaculaire, M. Moon utilisant l'événement pour orchestrer des pourparlers entre Washington et Pyongyang.