Le président sud-coréen Moon Jae-In a assuré jeudi qu'il n'y aurait pas de guerre sur la péninsule car Séoul dispose d'un veto de facto sur toute action militaire que pourrait décider Washington en réaction aux ambitions nucléaires de Pyongyang.

Les tensions ne cessent de s'aggraver depuis que le Nord a testé en juillet deux missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) mettant à sa portée une bonne partie du territoire américain.

Le Nord a menacé la semaine dernière de tirer une salve de missiles à proximité du territoire américain de Guam, dans le Pacifique, même si Pyongyang semble avoir momentanément mis son projet sur pause.

Pyongyang réagissait aux déclarations du président américain Donald Trump qui a promis de déchaîner sur le Nord «le feu et la colère». Le chef de la Maison-Blanche a également prévenu que l'armée américaine était fin prête.

Cette guerre rhétorique fait craindre une erreur de calcul qui aurait des conséquences catastrophiques. Séoul et ses millions d'habitants sont à la portée des forces d'artillerie considérables de Pyongyang.

Mais M. Moon a déclaré qu'il «empêcherait la guerre à tout prix».

«Je veux que tous les Sud-Coréens soient convaincus qu'il n'y aura pas la guerre», a-t-il dit lors d'une conférence de presse marquant les 100 jours depuis son entrée en fonctions.

Washington garantit la sécurité du Sud depuis la fin de la guerre en 1953, qui a scellé la division de la péninsule. Le conflit a pris fin sans traité de paix si bien que les deux Corées sont toujours techniquement en guerre.

Exaspération chinoise

Washington déploie 28 500 soldats en Corée du Sud pour la protéger du Nord.

Mais M. Moon a expliqué qu'il disposait de fait d'un veto sur toute action militaire de Washington.

Les États-Unis et le président Trump sont d'accord que, «quelle que soit l'option choisie» face à Pyongyang, «une décision ne serait prise qu'après avoir consulté la République de Corée et obtenu son accord», a-t-il dit.

Les déclarations incendiaires de M. Trump ont inquiété la planète, mais M. Moon, qui s'est rendu à Washington fin juin, s'est refusé à les critiquer.

M. Trump «tente de faire pression sur la Corée du Nord en montrant sa détermination».

«Tous les Sud-Coréens ont travaillé si dur pour reconstruire le pays en ruines après la guerre de Corée», a poursuivi M. Moon. «Nous ne pouvons tout perdre avec une nouvelle guerre».

Le Nord justifie son programme nucléaire par une possible invasion de «l'ennemi impérialiste», à savoir les États-Unis. Il cherche de longue date à mettre au point un missile équipé d'une tête nucléaire qui puisse frapper le continent américain.

Le Nord a essuyé sept salves de sanctions de l'ONU en raison de ses ambitions nucléaires. Les dernières ont été adoptées en début de mois et la Chine, son principal allié et bienfaiteur économique, a promis de les respecter.

Pékin est de plus en plus exaspéré par son voisin imprévisible, mais redoute l'instabilité et la perspective de voir des troupes américaines arriver jusqu'à sa frontière avec la Corée du Nord.

«Ligne rouge»

Par le passé, le président sud-coréen de centre-gauche, ancien avocat des droits de l'Homme, s'est dit favorable au dialogue avec Pyongyang pour le ramener à la table des négociations, parallèlement à une politique de sanctions. Cette approche avait été critiquée par ceux qui craignaient qu'elle n'enfonce un coin dans la relation avec l'allié américain.

Mais Pyongyang a balayé les gestes d'ouverture et M. Moon ne met plus les pourparlers au premier plan.

«Je ne pense pas qu'il faille se précipiter», a-t-il déclaré. «La Corée du Nord doit au minimum cesser ses provocations pour instaurer un climat favorable au dialogue».

«La ligne rouge serait que le Nord achève son ICBM et l'équipe d'une tête nucléaire», a-t-il cependant prévenu.

En cas de «nouvelle provocation, elle sera confrontée à des sanctions encore plus dures et ne pourra y survivre. Je veux avertir la Corée du Nord qu'elle doit mettre fin à ses jeux dangereux».

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a expliqué mardi qu'il allait «observer encore un peu le comportement idiot et stupide des Yankees» avant de prendre une décision sur Guam.

Mais les exercices militaires annuels conjoints entre Séoul et Washington, dits Ulchi Freedom Guardian, doivent commencer lundi. Pendant 10 jours, des dizaines de milliers de soldats prendront part à ces manoeuvres qui ne manquent jamais de susciter l'ire de Pyongyang.

Le Nord a souvent manifesté sa colère en tirant des missiles ou en déplaçant ses troupes le long de la frontière extrêmement tendue avec le Sud.

Pas de solution militaire, dit Bannon

Le stratège en chef du président américain, Steve Bannon, affirme de son côté qu'il n'y a pas de solution militaire à la menace posée par la Corée du Nord et à ses ambitions nucléaires, des propos qui tranchent avec la menace formulée récemment par M. Trump de répondre à toute agression avec «le feu et la fureur».

Dans une entrevue avec The American Prospect, publiée en ligne mercredi, M. Bannon affirme à la publication libérale que les États-Unis perdent la course économique contre la Chine. M. Bannon évoque la possibilité de se débarrasser de responsables dans l'administration qui sont en désaccord avec sa stratégie envers la Chine et la Corée du Nord pour les remplacer par des «faucons».

La Maison-Blanche n'a pas répondu dans l'immédiat à des requêtes pour commenter le contenu de l'article.

«Il n'y a pas de solution militaire (aux menaces nucléaires de la Corée du Nord), oubliez ça. Jusqu'à ce que quelqu'un résolve la partie de l'équation qui me montre que dix millions de personnes à Séoul ne mourront pas dans les 30 premières minutes sous des armes conventionnelles, je ne sais pas de quoi vous parlez, il n'y a pas de solution militaire, ils nous tiennent», soutient M. Bannon, selon les propos rapportés sur le site.

M. Trump a écrit mercredi sur Twitter que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un avait «pris une décision très sage et bien réfléchie» en reculant après avoir alimenté les craintes d'un conflit nucléaire dans une série de propos menaçants.

AP

Steve Bannon

M. Bannon a aussi souligné ses pressions pour que les États-Unis adoptent une position plus ferme sur le commerce avec la Chine, sans attendre de voir si Pékin aidera à contenir les visées de Kim Jong-un, un appel lancé au dirigeant chinois par le président Trump. M. Trump s'est aussi plaint du déficit commercial des États-Unis avec la Chine.

Ancien leader du site conservateur Breitbart News, M. Bannon s'est attiré au fil du temps les foudres de certains des plus proches conseillers de M. Trump, incluant son gendre Jared Kushner.

- Avec Associated Press