Les deux Corées négociaient mercredi la réouverture de leur complexe industriel conjoint de Kaesong, fermé unilatéralement par Pyongyang début avril au plus fort des tensions entre les deux pays et qui n'a plus l'air que d'une ville fantôme menacée par la rouille.

Nord et Sud vont tenter de faire redémarrer le site de Kaesong, crucial tant pour l'économie nord-coréenne que pour les entreprises sud-coréennes qui ont perdu des centaines de millions de dollars depuis le départ des ouvriers nord-coréens.

Un convoi transportant au total quelque 130 délégués et chefs d'entreprises sud-coréens a traversé la «zone démilitarisée», un mur de fils barbelés et de mines qui consacre depuis la fin de la Guerre de Corée (1950-53) la partition entre le Nord communiste et le Sud capitaliste.

Les voitures étaient identifiées par des drapeaux rouges, une convention ancienne destinée à éviter les incidents frontaliers.

Située à dix kilomètres de la frontière en territoire nord-coréen, le site est devenu sinistre. Les feux de signalisation ne fonctionnent plus, les échoppes sont fermées, les usines plongées dans le noir. 

Autour du bâtiment de 15 étages où se déroulent les pourparlers, des Nord-Coréens arrachent des herbes folles.

«Nous ferons notre possible pour faire en sorte que cette réunion permette de rétablir la confiance mutuelle et une meilleure coopération», a déclaré à la presse le chef de la délégation sud-coréenne, Suh Ho.

Son homologue nord-coréen, Pak Chol-Su, s'est montré plus sombre. «Je suis très préoccupé par l'état des machines industrielles», a-t-il dit.

Les deux Corées étaient tombées d'accord dimanche à l'issue de plus de 12 heures de délicates discussions sur le principe de la réouverture de Kaesong.

Les négociateurs, réunis dans le village de Panmunjom, sur la ligne de démarcation, avaient convenu que les plus de 120 entreprises présentes sur ce complexe reprendraient leurs activités dès qu'elles seraient «prêtes» à le faire.

Outre la compensation du manque-à-gagner occasionné pour ses entreprises, Séoul exige un engagement ferme de la Corée du Nord en vertu duquel elle s'abstiendra à l'avenir de fermer unilatéralement le parc.

«Nous n'accepterons pas de revenir aux conditions qui prévalaient avant la crise», a prévenu le porte-parole du ministère de l'Unification, Kim Hyung-Suk.

Mais cette concession sera difficile à accepter pour Pyongyang car elle sonnerait comme un aveu de responsabilité alors que le régime communiste tient Séoul.

Une vingtaine de Sud-Coréens se sont rendus mardi à Kaesong pour préparer le retour de l'activité sur le site. Des dizaines de chefs d'entreprises ont fait le voyage mercredi, concomitamment aux négociations, pour inspecter leurs installations.

Les discussions de la fin de semaine ont marqué «un premier pas, mais la partie ardue commence maintenant», a souligné un responsable du ministère de l'Unification.

Ces pourparlers sont intervenus après plusieurs mois de vives tensions sur la péninsule coréenne avec notamment des menaces de la part de la Corée du Nord, dont l'économie souffre d'un renforcement des sanctions infligées par les Nations unies après un essai nucléaire en février.

La Corée du Nord, invoquant l'hostilité du Sud à son endroit, avait retiré le 8 avril ses 53 000 employés des 123 usines présentes sur ce site industriel. Le Sud avait retiré peu après ses cadres et contremaîtres.

Les trois mois de fermeture ont coûté plus d'un milliard de dollars selon les derniers décomptes disponibles fournis fin juin par Séoul.

Kaesong avait été mis en place dans le sillage de «la diplomatie du rayon de soleil», menée par la Corée du Sud de 1998 à 2008 pour encourager les contacts entre les deux frères ennemis qui restent techniquement en guerre puisque la Guerre de Corée s'est terminée par un armistice et non par un traité de paix.

Inflexible sur l'arrêt de ses expérimentations nucléaires malgré la mise en garde des nations, la Corée du Nord cherche depuis quelques semaines à revenir dans le jeu diplomatique aux fins, selon les spécialistes, d'obtenir une aide financière et alimentaire.

Pyongyang a même proposé aux Américains l'ouverture de pourparlers directs, mais Washington réclame «des actes» inconditionnels et concrets sur son programme nucléaire.