Le premier ministre japonais Shinzo Abe a provoqué la surprise mercredi en se disant favorable à un sommet sous condition avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un, alors qu'un de ses conseillers est à Pyongyang, à peine un mois après que le régime a menacé Tokyo du feu nucléaire.

«Si un sommet est considéré comme un moyen important de travailler à la résolution du problème des kidnappés, nous devons naturellement le prendre en compte dans nos négociations avec les Nord-Coréens», a répondu M. Abe au Sénat à un élu de l'opposition qui lui demandait s'il serait prêt à rencontrer Kim Jong-Un.

En évoquant les kidnappés, M. Abe, un conservateur, faisait référence à un lourd différend à propos de Japonais enlevés par la Corée du Nord dans les années 1970 et 1980, un combat sur lequel il a bâti sa popularité il y des années.

M. Abe était interrogé sur ce possible sommet en raison de la visite surprise en Corée du Nord de son conseiller Isao Iijima, dont l'arrivée à Pyongyang mardi a été révélée par les médias nippons et l'agence de presse officielle nord-coréenne.

Les spéculations allaient bon train mercredi dans la presse nippone sur une éventuelle tentative du Japon de renouer les fils du dialogue avec son turbulent voisin. Le Japon et la Corée du Nord n'entretiennent pas de relations diplomatiques officielles.

Les télévisions japonaises diffusaient en boucle des images de M. Iijima serrant la main de Kim Chol-Ho, vice-directeur du département des Affaires asiatiques du ministère nord-coréen des Affaires étrangères, sur le tarmac de l'aéroport de Pyongyang.

Ce conseiller, qui devrait rester en Corée du Nord jusqu'à vendredi d'après l'agence de presse japonaise Kyodo, a déjà travaillé à l'organisation de deux sommets entre un autre Premier ministre conservateur nippon, Junichiro Koizumi (2001-2006), et le dirigeant de la Corée du Nord de l'époque, Kim Jong-Il, le père de Kim Jong-Un.

M. Koizumi avait effectué deux spectaculaires voyages en Corée du Nord en 2002 et 2004 et avait notamment récupéré cinq des Japonais enlevés plusieurs décennies auparavant.

Les deux pays gardent toutefois des rapports tendus, voire hostiles, en partie parce que Tokyo accuse Pyongyang d'avoir enlevé 17 Japonais au total et demande des comptes sur les 12 restants. La Corée du Nord prétend que, parmi les 13 qu'elle a reconnu avoir enlevés, les huit autres sont morts.

Le régime de Pyongyang avait perpétré ces enlèvements pour fournir à ses espions des professeurs de langue et de culture nippones.

Ancienne puissance coloniale, le Japon est de surcroît souvent visé par la propagande nord-coréenne et a été menacé en avril du «feu nucléaire» par Pyongyang s'il s'avisait de détruire en vol des missiles d'essai nord-coréens.

Le Japon exige de son côté de la Corée du Nord qu'elle renonce à ses programmes nucléaire et balistique. Tokyo impose à Pyongyang de lourdes sanctions économiques.

Des experts japonais de la Corée du Nord ont expliqué à l'AFP que la réception du conseiller nippon pourrait témoigner d'une volonté de dialogue de Pyongyang.

Le régime nord-coréen a été récemment critiqué non seulement par les États-Unis et leurs alliés, mais aussi par son traditionnel soutien chinois, à propos de ses bravades à l'occasion de manoeuvres militaires américano-sud-coréennes.

Cette visite «pourrait constituer un signe avant-coureur d'une possible reprise du dialogue, vu que la Corée du Nord semble avoir mis en sourdine ses provocations depuis début mai», a expliqué Hideshi Takesada, spécialiste de la Corée du Nord et ancien professeur à l'Université sud-coréenne Yonsei.

D'après Toshio Miyatsuka, de l'Université japonaise Yamanashi Gakuin, la visite de M. Iijima «constitue probablement un travail d'approche visant à relancer des pourparlers, au moment où la Corée du Nord recherche d'autres interlocuteurs compte tenu de la sévérité accrue de la Chine à son égard».