Deux journaux britanniques clefs, le Guardian et le Times, ont encouragé leurs lecteurs samedi à tourner le dos au Labour lors des législatives du 6 mai, rendant la campagne encore plus ardue pour le parti de Gordon Brown à la traîne dans les sondages.

Le rebond qu'espéraient les travaillistes à l'occasion du dernier débat télévisé de jeudi, pour effacer une gaffe du premier ministre piégé par un micro alors qu'il qualifiait une retraitée de «sectaire», ne s'est pas produit. Les conservateurs et les libéraux-démocrates gardent l'avantage.

Le Guardian (journal de centre-gauche) a annoncé dans un éditorial samedi qu'il rompait avec son soutien traditionnel aux travaillistes pour endosser les libéraux-démocrates, qui ont fortement progressé dans les sondages grâce à la bonne performance de leur leader Nick Clegg dans les débats télévisés.

«Si le Guardian devait voter aux législatives de 2010, il donnerait son vote avec enthousiasme aux libéraux-démocrates», écrit le journal, approuvant le soutien des «lib dems» à une réforme du système électoral.

Le Guardian souligne qu'en refusant de remplacer Gordon Brown avant les élections, les travaillistes «ont perdu l'opportunité de se renouveler».

Le même jour, le Times (centre-droit) a annoncé appuyer les conservateurs menés par David Cameron, une première pour le journal depuis 18 ans: «L'argumentaire de M. Brown pour cette élection est que les électeurs ne devraient pas risquer de mettre en danger la reprise économique, en votant conservateur. Mais il ne comprend pas que la plus grande menace, c'est de continuer à faire la même chose». «Il est temps de voter à nouveau conservateur».

L'hebdomadaire The Economist, qui avait soutenu les travaillistes sous Tony Blair, a appelé jeudi à voter pour les conservateurs. Gordon Brown avait perdu dès la fin septembre le soutien du tabloïd The Sun, le journal le plus lu du pays avec un tirage d'environ 3 millions exemplaires.

Le Sun, comme le Times, appartiennent à l'empire du magnat d'origine australienne Rupert Murdoch, qui avait jeté son poids derrière Tony Blair en 1997, contribuant à une victoire du Labour.

Ces annonces interviennent alors qu'un sondage Harris pour le Daily Mail place le labour à 24% des intentions de vote, contre 32% aux lib dems (+3 points), au coude à coude avec les tories crédités de 33%.

Dans une interview au Guardian, Nick Clegg affirme que la campagne est désormais «une course à deux» entre les lib dems et les tories.

«Les gens ont limité leur choix à deux partis, et je pense que ce choix maintenant, pour une personne qui a un point de vue progressiste, se pose entre les conservateurs et les libéraux-démocrates».

Cependant, un autre sondage YouGov pour le Sun, place le labour et les lib dems à égalité avec 28% des intentions de vote, distancés par les tories qui récoltent 34%.

Avec un écart aussi réduit, aucun parti ne disposerait de majorité absolue aux Communes, une situation qui conduirait à la recherche d'une alliance où les lib dems se présenteraient en faiseurs de roi.

Tony Blair a averti samedi que voter pour les lib dems «n'était pas sérieux» et mis en garde contre la perspective d'un parlement sans claire majorité, dans une interview au Times. «Cela débouchera sur un leadership indécis, à des marchandages entre les partis à une période où notre économie redémarre mais est encore fragile. Nous n'avons pas besoin de cela».

Par ailleurs, Gordon Brown a estimé qu'il avait payé «au prix fort» sa gaffe vis-à-vis d'une retraitée. Il s'est dit déterminé à «se battre jusqu'à la dernière minute pour cette élection», dans une interview au Daily Telegraph.