Les discussions entre parties en conflit en Côte d'Ivoire étaient dans l'impasse dimanche, après le rejet par Alassane Ouattara du haut représentant nommé par l'Union africaine, alors que son rival Laurent Gbagbo mobilisait des milliers de partisans à Abidjan.

Le conseil de sécurité de l'ONU doit de son côté examiner dans les prochains jours un projet de résolution, déposé par la France et le Nigeria, visant à interdire l'utilisation d'armes lourdes à Abidjan, au bord de la guerre civile, et demandant explicitement le départ du pouvoir de M. Gbagbo.

L'Union africaine a nommé samedi l'ex-ministre cap-verdien des Affaires étrangères José Brito comme son haut représentant en Côte d'Ivoire, en vue d'organiser des négociations pour résoudre une crise post-électorale ayant déjà fait plus de 460 morts, selon l'ONU.

Mais très vite, M. Ouattara, président reconnu par la communauté internationale, a récusé cette nomination et «exprimé sa surprise» quant au choix de M. Brito, «compte tenu de ses relations personnelles et de ses accointances politiques» avec M. Gbagbo.

Le camp Gbagbo s'est par contre logiquement félicité de ce choix: «On accepte, mais maintenant c'est à l'UA de décider», a indiqué dimanche à l'AFP le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello.

«Le Cap Vert a toujours fait preuve de neutralité dans le conflit. Et un bon arbitre doit être neutre. C'est donc une bonne proposition. La neutralité du Cap Vert peut permettre de faire avancer les choses, l'autre camp cherche un arbitre qui soit partisan, je comprends un peu son attitude», a-t-il ajouté.

Dès le début de la crise, le Cap Vert avait opté pour une «solution pacifique», écartant l'éventualité d'une intervention militaire régionale.

Sur le terrain, plusieurs milliers de personnes, essentiellement des jeunes, se sont rassemblées à Abidjan, de samedi à la mi-journée jusqu'à dimanche matin, à l'appel de Charles Blé Goudé, chef des «patriotes» pro-Gbagbo, pour apporter leur soutien au président sortant.

«Avant d'attaquer Laurent Gbagbo, vous allez (devoir) égorger tout ce monde-là», a lancé M. Blé Goudé à l'adresse de la communauté internationale, en montrant la foule réunie dans le quartier du Plateau, près du Palais présidentiel.

«Il n'y aura pas de guerre civile», a-t-il martelé, s'en prenant au président français Nicolas Sarkozy mais aussi au président américain Barack Obama, à l'ONU et à la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao).

Pour le porte-parole du gouvernement Gbagbo, «le plus important, c'est de montrer que le peuple est d'accord avec le président Gbagbo et qu'il est déterminé, même avec les mains nues, à résister à n'importe quel char, à n'importe quelle force».

Concernant le projet d'interdiction des armes lourdes à Abidjan, notamment utilisées par le camp Gbagbo et qui font de nombreuses victimes au sein des civils, il a répondu: «une armée, c'est une armée. On ne peut pas avoir une armée sans arme, une armée a besoin d'armes».

Le 22 mars, la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) s'était déclarée «extrêmement préoccupée par l'utilisation croissante d'armes lourdes, dont des mitrailleuses, des lance-roquettes et des mortiers» par le camp Gbagbo contre des civils.

Selon elle, le camp Gbagbo dispose notamment d'hélicoptères d'attaque MI-24 et des lance-roquettes multiples BM-21.

«On se demande quelles sont les possibilités de mettre en oeuvre (ce projet de résolution), a conclu M. Don Mello. Nous avons une armée, nous avons un peuple. Vous ne pouvez pas exterminer au moins 50% de la population, il faut tenir compte des forces populaires en présence».