La crise ivoirienne a pris mercredi une tangente de plus en plus violente, avec des affrontements à l'arme lourde entre forces fidèles au président sortant Laurent Gbagbo et des combattants non identifiés faisant au moins 20 morts dans un quartier d'Abidjan favorable à Alassane Ouattara.

Les Forces de défense et de sécurité (FDS), loyales à M. Gbagbo, mènent une «opération d'envergure» pour «sécuriser» le quartier d'Abobo -dans le nord d'Abidjan-, a déclaré à l'AFP un haut responsable militaire sous couvert d'anonymat.

Des «échanges à l'arme lourde» se déroulent dans ce quartier où les affrontements, sporadiques depuis janvier, entre les FDS et ces hommes armés ont redoublé ces derniers jours, a-t-il confirmé dans l'après-midi.

Selon plusieurs habitants contactés par l'AFP, les combats dans le secteur nord d'Abobo ont commencé vers 16h00, heure locale (11h00, heure à Montréal), pour s'achever autour de 20h30 (15h30 à Montréal).

«Ca tire sans arrêt», avait déclaré un habitant, ajoutant que «tout le monde est enfermé chez lui». Un chauffeur de taxi a indiqué que les FDS avaient effectué auparavant des tirs de sommation pour que les habitants rentrent chez eux.

Une dizaine d'éléments du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), une unité d'élite des FDS, avaient été tués mardi soir à Abobo dans des combats après une embuscade tendue par des «assaillants», selon une source sécuritaire.

Des témoins ont fait état d'un bilan encore plus lourd côté FDS, et de plusieurs victimes civiles. Le corps d'un civil tué par balles gisait dans une mare de sang dans la matinée près d'une station-service.

Un haut responsable du CECOS a cependant assuré mercredi que cette unité avait perdu seulement trois hommes, déploré «sept blessés par balles» en son sein et tué «sept assaillants».

Dans la matinée, les FDS étaient déployées à Abobo, barrant l'accès à certaines zones, tandis que de nombreuses rues étaient désertes et des commerces fermés, a constaté l'AFP.

Plusieurs dizaines d'habitants, femmes et enfants surtout, fuyaient alors le quartier. «Je quitte la zone», lâchait une femme, baluchon sur la tête.

Le gouvernement Gbagbo accuse des «rebelles» d'opérer dans ce quartier où, avant les combats de mardi, au moins une dizaine de FDS avaient été tués depuis janvier.

Le camp Ouattara, allié à l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) contrôlant le nord ivoirien depuis 2002, dément toute implication dans ces actions.

Inspirés par les exemples égyptien et tunisien, les partisans de M. Ouattara ont fait monter la pression la semaine dernière en appelant à une «révolution» pour chasser le sortant.

Plus de 300 personnes ont été tuées depuis mi-décembre selon l'ONU dans les violences qui ont marqué la crise née de la présidentielle du 28 novembre, opposant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale.

Depuis samedi, au moins une dizaine de manifestants pro-Ouattara ont été tués par les FDS qui ont dispersé la foule à balles réelles, selon des sources concordantes, à Abobo mais aussi dans les quartiers de Koumassi et Treichville -dans le sud de la capitale économique ivoirienne.

Ce regain de tension survient alors que l'Union africaine (UA) déploie de nouveaux efforts pour une issue à la crise, pour l'heure introuvable.

Lundi et mardi, quatre présidents africains d'un panel désigné par l'UA ont rencontré Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Objectif: arriver d'ici au 28 février à des solutions «contraignantes».

Les membres du groupe, présidé par Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), ont quitté le pays à partir de mardi soir et se retrouveront à Nouakchott en Mauritanie «dans les prochains jours».

L'UA privilégie un règlement pacifique, mais l'ex-médiateur Raila Odinga, premier ministre kényan, a jugé que si les sanctions économiques n'aboutissent pas à «un changement de régime, alors bien sûr la force sera utilisée», comme l'Afrique de l'Ouest en a brandi la menace contre M. Gbagbo.