Deux présidents rivaux, une menace d'attaque ouest-africaine, des risques de nouveaux affrontements internes: la Côte d'Ivoire entame l'année 2011 en plein blocage, et une solution pour échapper aux périls semble bien lointaine.

Samedi soir, l'un des deux rivaux, Laurent Gbagbo, a réitéré sa demande de retrait de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) et des forces françaises de l'opération Licorne, accusant l'Onuci d'avoir «tiré sur des civils». Une accusation formellement démentie par la mission onusienne.

M. Gbagbo avait déjà demandé le 18 décembre le départ des 9000 soldats de l'Onuci et des 900 soldats français de Licorne, accusés de soutenir militairement son rival Alassane Ouattara. Depuis, les incidents se sont multipliés à Abidjan entre les pro-Gbagbo et les patrouilles de l'ONU.

Près de cinq semaines après l'élection présidentielle du 28 novembre qui devait pourtant ouvrir une nouvelle ère à l'issue d'une décennie de tourmente politico-militaire, les Ivoiriens échangeaient des voeux de santé, de prospérité mais aussi de paix pour la nouvelle année.

Bien installé dans son palais d'Abidjan, M. Gbagbo a très clairement dit qu'il n'entendait pas renoncer à la présidence, comme l'exigent l'ONU et de nombreux pays, notamment africains.

«Nous n'allons pas céder», a-t-il lancé vendredi dans des voeux retransmis par la télévision d'État RTI, en accusant Alassane Ouattara de «tentative de coup d'État menée sous la bannière de la communauté internationale».

Il repoussait ainsi un ultimatum de son rival, qui lui avait donné jusqu'à minuit (17h, heure de Montréal) vendredi pour céder la place, lui promettant en échange la tranquillité.

M. Ouattara ne veut pas non plus jeter l'éponge, fort d'un large soutien international. Dans son propre discours de voeux jeudi, il s'est montré confiant, annonçant pour 2011 «la rupture avec les dix années de souffrance, de pauvreté et de mort» du régime Gbagbo.

Mais il reste confiné avec son propre gouvernement au Golf Hôtel d'Abidjan, établissement de luxe soumis à un blocus des forces loyales à son adversaire et gardé par des blindés de l'ONU et d'ex-rebelles.

Alors que la crise a fait 179 morts ces deux dernières semaines selon l'ONU, qui pointe la responsabilité du pouvoir en place, les chances de succès de la médiation ouest-africaine paraissent minces, même si M. Gbagbo évoque «le temps du dialogue».

Après un passage cette semaine à Abidjan, trois émissaires de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) doivent revenir lundi en Côte d'Ivoire. Les présidents Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pires (Cap-Vert) vont tenter d'obtenir le retrait du sortant.

Mais en cas d'échec, la Cédéao a averti qu'elle pourrait user de la force et a déjà mis «la machine en marche», préparant des plans pour un «dernier recours» au cours d'une réunion de chefs militaires à Abuja. Ils doivent de nouveau plancher sur la question mi-janvier au Mali.

Le Premier ministre de M. Ouattara, le chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) Guillaume Soro, mise désormais sur une intervention armée extérieure. «Les dictateurs ne négocient pas leur départ, on les fait partir», a-t-il tranché.

À court terme, les risques de nouveaux affrontements à l'intérieur sont réels. Le leader des «jeunes patriotes» pro-Gbagbo, Charles Blé Goudé, a appelé ses fidèles à «libérer à mains nues» le QG de M. Ouattara, après le 1er janvier. Mais il s'est gardé pour l'heure de donner un rendez-vous précis.

S'il met son projet à exécution, l'ONU redoute une reprise de la «guerre civile» de 2002-2003. Cette flambée de violences avait entraîné une partition du pays - sud contrôlé par le camp Gbagbo, nord FN - que la nouvelle crise ivoirienne n'est pas près d'effacer.