Le camp d'Alassane Ouattara, un des deux présidents proclamés de Côte d'Ivoire, a appelé mardi à «la désobéissance» au gouvernement de son rival Laurent Gbagbo, qui ignore les sanctions et menaces de la communauté internationale exigeant son départ.

Dans un appel aux Ivoiriens, Guillaume Soro, premier ministre d'Alassane Ouattara, les exhorte «dès cet instant à la désobéissance au gouvernement factice de Laurent Gbagbo jusqu'à son départ». Il leur demande «de s'organiser, de se mobiliser et de manifester par tous les moyens» jusqu'à ce départ.

Selon lui, la Côte d'Ivoire «vit la pire des escalades dans la barbarie d'un clan, d'un régime fini, contre les populations civiles démunies et désarmées».

Depuis début décembre, «nous dénombrons près de 200 morts et 1000 personnes blessées par balles», affirme Soro. «Plus grave, des femmes sont battues, déshabillées, violentées et violées (...) Les ingrédients pour un génocide sont en place», accuse-t-il.

Parallèlement à cet appel de Soro, également chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), a annoncé la tenue d'un sommet extraordinaire sur la situation en Côte d'Ivoire, vendredi à Abuja. Lors d'un précédent sommet début décembre, elle avait suspendu le pays et demandé à Gbagbo de partir.

Le président sortant est de plus en plus isolé par la communauté internationale qui a reconnu la victoire de Ouattara à la présidentielle du 28 novembre.

L'Union européenne (UE) a décidé d'imposer des sanctions contre lui, ses deux épouses et 16 autres proches, interdits de séjour sur son territoire, et les États-Unis s'apprêtent à en faire autant.

À ces sanctions, Emile Guiriéoulou, son ministre de l'Intérieur, répond: «Ca fait sourire». «C'est un chiffon rouge qu'on agite chaque fois aux yeux des dirigeants africains, pensant nous faire peur».

Même défiance à l'égard de l'ONU qui a décidé lundi de prolonger de six mois le mandat de sa mission en Côte d'Ivoire, l'Onuci, et envisage de la renforcer, alors que le président sortant avait exigé son retrait «immédiat».

Les troupes de l'Onuci maintiendront pour l'instant le niveau de leurs forces à 8650 personnes parmi lesquelles 7200 Casques bleus et 1250 policiers, souligne la résolution adoptée par le Conseil de sécurité.

Les partisans de Gbagbo ont accusé l'Onuci et son chef Choi Young-Jin d'avoir soutenu militairement les FN. M. Choi a dénoncé une augmentation des «actes hostiles» à l'encontre de ses personnels, commis par le camp Gbagbo.

«La situation est à la fois très délicate, dangereuse, mais notre détermination est entière», a déclaré Alain Le Roy, chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU.

Charles Blé Goudé, leader des «jeunes patriotes», fer de lance des violentes manifestations anti-françaises de 2003 et 2004 à Abidjan, ne cesse d'haranguer ses partisans, les appelant à être prêts à se battre pour «la souveraineté de la Côte d'Ivoire».

Les violences depuis la marche de jeudi des partisans de Ouattara, réprimée par les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à Gbagbo, ont fait au moins 50 morts selon l'ONU, 25 dont 14 dans le rang des FDS d'après le camp Gbagbo, 48 selon le camp Ouattara.

Outre les FDS et les «jeunes patriotes», Gbagbo peut compter sur «quelques dizaines de mercenaires», selon M. Leroy.

En dépit des craintes de violences, François Baroin, porte-parole du gouvernement français, a affirmé mardi que la sécurité des quelque 12 000 ressortissants français dans le pays était «assurée».

Le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) a annoncé quant à lui avoir renforcé ses stocks d'aide humanitaire pour être prêt à un afflux éventuel de 30 000 réfugiés ivoiriens au Liberia et en Guinée. Quelque 6200 Ivoiriens ont déjà fui au Liberia et en Guinée, selon le HCR.