Le fondateur de WikiLeaks Julian Assange a été libéré jeudi d'une des accusations d'agression sexuelle portées contre lui en Suède, mais reste loin d'être tiré d'affaire car il est toujours visé par une plainte pour viol.

Le délai de prescription de cinq ans s'est écoulé depuis les faits dénoncés par une Suédoise alors âgée d'une trentaine d'années.

«Maintenant qu'intervient la prescription pour certaines des infractions, je suis obligée de classer sans suite une partie de l'enquête», a affirmé la procureure Marianne Ny dans un communiqué.

Cette prescription ne devrait rien changer pour l'Australien de 44 ans, réfugié depuis plus de trois ans à l'ambassade d'Équateur à Londres afin d'échapper à un mandat d'arrêt européen émis par la Suède.

La prescription pour une deuxième agression sexuelle, un viol dénoncé par une autre plaignante suédoise, ne surviendra qu'en août 2020, la police britannique ayant donc encore cinq ans pour interpeller Julian Assange.

Depuis ses débuts, cette affaire ultra-médiatisée s'est enlisée dans une série de complications juridiques et diplomatiques qui n'ont laissé aucune chance de connaître la vérité.

Julian Assange clame son innocence, affirmant que les relations sexuelles avaient été consenties. Il s'est dit «extrêmement déçu» de n'avoir pu donner sa version des faits dans les temps.

«Dès le début, j'ai proposé des solutions simples. Venez à l'ambassade et prenez ma déposition, ou promettez de ne pas m'envoyer aux États-Unis. Cette fonctionnaire suédoise a refusé les deux. Elle a même refusé une déposition écrite», a-t-il écrit dans un communiqué.

La magistrate a déploré que le cybermilitant n'ait jamais répondu à ses convocations. «Depuis l'automne 2010, j'essaie d'obtenir le droit d'une audition avec Julian Assange, mais il s'est constamment dérobé», a-t-elle rappelé.

«Un droit fondamental» 

L'ancien juge espagnol Baltasar Garzon, qui coordonne sa défense, a pourtant assuré que son client avait toujours montré «sa volonté de coopérer avec la justice suédoise» à condition de ne pas être contraint pour cela à «renoncer à un droit fondamental comme l'asile».

Jeudi, le gouvernement britannique a mis, à son tour, la pression, dénonçant la persistance des autorités équatoriennes à «entraver l'audition» de Julian Assange.

Par le biais d'une protestation officielle, Londres a appelé l'Equateur à «mettre fin à cette situation considérée comme une tache grandissante sur la réputation» de ce pays.

Quito a répliqué en critiquant «l'inaction continue des autorités britanniques et suédoises pendant les près de 1000 jours d'asile (accordé à Julian Assange) à l'ambassade (à Londres), au cours desquels elles ont été sourdes à toutes les propositions et appels au dialogue du ministère équatorien des Affaires étrangères».

La prescription laisse sans réponse les accusations d'une des plaignantes. «Il n'est pas jugé pour ces faits, mais cela ne veut pas dire qu'il est innocent», a déclaré à l'AFP Claes Borgström, l'avocat de cette jeune femme.

«Ma cliente a des sentiments partagés. Elle aurait voulu qu'il réponde devant la justice mais elle est soulagée de ne pas devoir vivre un procès car les faits remontent à cinq ans et elle veut tourner la page», a-t-il ajouté.

La suite de la procédure d'ici à 2020 est très incertaine, même si la procureure s'est dite déterminée à la mener à bien.

«L'enquête préliminaire se poursuit sur cette partie des faits. Elle en reste au même point et la possibilité de faire progresser le dossier via une audition du mis en cause existe toujours», a-t-elle expliqué.

Après un dialogue de sourds sur les conditions juridiques de l'éventuelle audition dans les locaux étroits de l'ambassade équatorienne, la Suède et l'Équateur envisagent de nouer une convention de coopération judiciaire.

Mais la négociation des termes de ce texte, qui devrait être valable pour tous les justiciables à l'avenir, prendra du temps.

Julian Assange, figure adulée dans les milieux libertaires, mais dont la réputation a été ternie par cette affaire et qui vit cloîtré, craint s'il va en Suède d'être ensuite extradé vers les États-Unis.

Il pourrait se voir reprocher la publication par WikiLeaks en 2010 de 500 000 documents classés secret défense sur l'Irak et l'Afghanistan et de 250 000 communications diplomatiques.

Son quotidien parmi les diplomates équatoriens pourrait rester le même pendant encore cinq ans, à savoir dormir dans des locaux qui n'étaient pas prévus pour héberger quelqu'un et poursuivre son combat pour la transparence à partir d'un ordinateur.