Bradley Manning, le soldat reconnu coupable de la plus importante fuite de documents secrets américains, a fait acte de contrition mercredi, aux dernières heures de son procès, et regretté «que ses actes aient blessé les États-Unis».

Dans une ultime supplique, à quelques jours de connaître sa peine, le jeune homme, frêle et menu, s'est tourné, contrit et nerveux, vers la juge Denise Lind qui a son sort entre les mains.

«Votre honneur, je veux d'abord commencer par demander pardon», a déclaré le soldat au visage d'adolescent, qui encourt 90 ans de prison après avoir été reconnu coupable de faits d'espionnage.

«Je regrette que mes actions aient blessé des gens, qu'elles aient blessé les États-Unis», a-t-il déclaré devant la cour martiale sur la base de Fort Meade, près de Washington.

L'accusé de 25 ans a toujours reconnu avoir transmis 700 000 documents militaires et diplomatiques au site internet WikiLeaks qui les a publiés, mais il nie catégoriquement avoir voulu nuire aux Etats-Unis et dit avoir espéré provoquer un débat mondial. La juge l'a d'ailleurs acquitté de la plus lourde charge de «collusion avec l'ennemi», en l'occurrence Al-Qaïda.

«Je comprenais ce que je faisais et les décisions que j'ai prises, mais je n'ai pas complètement saisi l'étendue des conséquences de mes actes», a-t-il expliqué.

«Quand je regarde mes décisions, je me demande comment j'ai bien pu penser qu'en tant que simple analyste, je pouvais réellement imaginer pouvoir changer le monde».

«Je suis désolé des conséquences involontaires de mes actes», a-t-il répété, dans une ultime tentative de convaincre la juge militaire, qui doit annoncer sa peine au plus tôt la semaine prochaine. «Quand j'ai pris ces décisions, je pensais aider les gens, et non les blesser», a ajouté le jeune soldat, portant son uniforme bleu marine, le cheveu coupé ras et des lunettes aux montures fines.

C'est la première fois que Bradley Manning présente ses excuses sur ses agissements depuis que son procès s'est ouvert le 3 juin dernier. Il n'avait pris la parole que deux fois précédemment, en audiences préliminaires.

«Je dois payer le prix»

Faisant allusion sans doute à ses troubles d'identité sexuelle et à son enfance difficile, le jeune homme a reconnu qu'il avait des «failles et des problèmes» à résoudre. Mais il a refusé de les invoquer comme «excuses».

«Je comprends que je doive payer le prix», a-t-il reconnu. «J'avais d'autres choix, j'aurais dû les utiliser».

«Malheureusement, je ne peux pas revenir en arrière et changer les choses. Je ne peux qu'aller de l'avant. Et je veux aller de l'avant», a-t-il lancé en conclusion de cette courte déclaration.

«Une fois que j'aurai payé le prix, j'espère pouvoir vivre d'une manière que je n'ai pas pu adopter par le passé. Je veux être une personne meilleure, aller à l'université, avoir un diplôme et avoir une relation qui ait un sens avec ma soeur, sa famille et ma famille».

Dans un témoignage poignant, sa soeur Casey Major et sa tante Debra van Alstyne ont tour à tour parlé de son enfance meurtrie, abandonné à des parents alcooliques, à une mère «méchante» et suicidaire, isolé du monde dans une ferme de l'Oklahoma, et condamné à manger des petits pots de bébé jusqu'à l'âge de 12 ans.

«C'est fou comme il a mûri ces trois dernières années», a déclaré sa soeur, de onze ans son aînée, qui était la seule à s'occuper de lui ses premières années. «J'espère qu'il pourra juste être heureux», a-t-elle souhaité, très émue pendant la projection de photos de Bradley Manning enfant.

«Je veux avoir une influence positive, regagner une place productive dans la société», a conclu l'accusé. «Je sais que je peux être et que je serai une personne meilleure, j'espère que vous pourrez me donner la possibilité de le prouver, non par des mots mais par des actes».