La juge militaire qui préside le procès du soldat Bradley Manning, accusé de la plus importante fuite de documents secrets de l'histoire américaine, rendra son verdict mardi.

Bradley Manning encourt la réclusion criminelle à perpétuité sans possibilité de remise de peine, s'il est reconnu coupable de la seule charge de «collusion avec l'ennemi», le plus grave des 22 chefs d'accusation.

Le soldat de 25 ans a reconnu avoir transmis quelque 700 000 documents militaires et diplomatiques au site WikiLeaks, lorsqu'il était analyste du renseignement en Irak, de novembre 2009 à son arrestation en mai 2010.

Il a même plaidé partiellement coupable de dix charges pour un total de 20 ans de prison.

Mais il a plaidé non coupable des autres charges dont celle d'avoir aidé sciemment Al-Qaïda.

La juge Denise Lind annoncera son verdict mardi à 13 h, a-t-on appris lundi auprès des autorités militaires. La phase du procès en cour martiale dédiée à fixer la peine pourra ensuite commencer, vraisemblablement dès mercredi.

Pour le reconnaître coupable de «collusion avec l'ennemi», la juge doit être convaincue «au-delà du doute raisonnable» que Manning avait conscience que ces documents pouvaient finir entre les mains d'Al-Qaïda.

Manning, présenté par sa défense comme un être fragilisé par ses troubles d'identité sexuelle, encourt au total 154 ans de prison pour les 21 autres charges et violations du code militaire, dont «conduite de nature à jeter le discrédit sur les forces armées», fraude informatique, vols et atteintes à la loi sur l'espionnage de 1917.

Lors du procès sur la base militaire de Fort Meade (Maryland), qui a débuté en juin, son avocat David Coombs a demandé l'acquittement des accusations d'espionnage, de fraude informatique et «de collusion avec l'ennemi».

Lors de ses plaidoiries finales, il a soutenu que Manning n'était pas un traître, comme l'affirme l'accusation, mais quelqu'un de «jeune, naïf et bien intentionné», qui a été choqué par ce qu'il a vu en Irak.

Lors d'une audience préliminaire en février, le jeune Manning avait lu une longue lettre de justification dans laquelle il affirmait avoir voulu «provoquer un débat public».

Lors de son réquisitoire, l'accusation l'avait au contraire dépeint comme un être égoïste et téméraire, qui savait bien qu'en transmettant des documents à WikiLeaks, ils seraient mis en ligne et consultés par les ennemis des États-Unis, en premier lieu Al-Qaïda.

«Votre honneur, ce n'était pas un lanceur d'alerte, c'était un traître», avait asséné le procureur militaire Ashden Fein, en requérant une condamnation pour aide à l'ennemi.

«Mauvais augure»

Le jeune homme est accusé de la plus importante fuite de documents confidentiels de l'histoire américaine, en l'occurrence quelque 700 000 documents militaires et diplomatiques classifiés, qui ont été mis en ligne sur le site internet de Julian Assange.

Dans un communiqué publié lundi, à la veille du verdict, son réseau de soutien a rappelé un «signe de mauvais augure» pour Bradley Manning quand la colonel Denise Lind a, selon lui, «modifié d'importantes charges la semaine dernière afin d'aider les procureurs avant son verdict».

Selon le réseau de soutien, citant la défense, trois des cinq accusations de vols ont été modifiées dans leur formulation, parlant désormais notamment de vol d'«informations», empêchant ses avocats de revenir vers les témoins, à ce stade du procès, et de les interroger différemment. En conséquence, David Coombs a demandé à la juge de déclarer un non-lieu sur les accusations de vols.

En vertu des règles de cour martiale, «un juge militaire peut déclarer un non-lieu quand c'est manifestement nécessaire dans l'intérêt de la justice en raison de circonstances survenues pendant l'audience jetant le doute sur l'équité de la procédure», peut-on lire dans le communiqué.