La juge militaire américaine Denise Lind décidera jeudi si elle abandonne certaines charges contre la taupe de WikiLeaks Bradley Manning, dont la plus grave de «collusion avec l'ennemi», comme le demande la défense de l'ancien soldat.

L'accusation a développé ses arguments et convoqué ses témoins à charge à la barre pendant cinq semaines devant la cour martiale de Fort Meade, dans le Maryland, à l'est des États-Unis. Mais pour l'avocat de Bradley Manning, David Coombs, elle n'a pas réussi à étayer ses accusations à l'aide d'éléments de preuve.

La défense de Manning, qui a fait comparaître tous ses témoins en trois jours d'audience, a soumis la semaine dernière quatre motions pour que la juge déclare l'ex-analyste du renseignement en Irak «non coupable» pour plusieurs chefs d'accusation.

Outre l'accusation de «collusion avec l'ennemi», pour laquelle il encourt la réclusion à perpétuité, il demande que les accusations de fraude informatique et de vols de biens du gouvernement soient abandonnées.

Bradley Manning a reconnu avoir transmis plus de 700 000 documents à WikiLeaks. Il plaide coupable pour dix des 22 chefs retenus contre lui. Il a notamment transmis au site internet quelque 250 000 câbles diplomatiques américains, des dizaines de milliers de rapports militaires sur les guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que des documents relatifs aux détenus de la prison américaine de Guantanamo à Cuba.

Pour David Coombs, l'accusation «n'a présenté aucune preuve» montrant que Bradley Manning savait qu'en divulguant ces informations, celles-ci étaient susceptibles de tomber entre des mains ennemies, en particulier celles d'Al-Qaïda.

Dire «qu'il aurait dû savoir», comme l'accusation l'affirme selon Me Coombs, ne suffit pas. «Il doit y avoir plus que cela», a-t-il estimé en présentant ses arguments.

Selon lui, les procureurs militaires utilisent le chef de «collusion avec l'ennemi» pour dissuader les lanceurs d'alerte potentiels ou quiconque de divulguer des informations secrètes.

«Nous avons maintenant vu les preuves présentées par chaque camp et il est très clair que le chef de collusion avec l'ennemi n'a pas de fondement. Le gouvernement devrait abandonner cette accusation», affirmait l'organisation Amnesty International dans un communiqué publié vendredi.

L'accusation impute aussi à Manning l'utilisation d'un logiciel de téléchargement pour récupérer automatiquement des centaines de milliers de documents. Selon la défense, l'accusation n'a pas réussi à prouver que Manning avait outrepassé ses autorisations en chargeant ce logiciel et ne pouvait donc avoir commis de fraude informatique.

D'autant que les procureurs militaires n'ont pu produire le document sur les conditions d'utilisation du matériel informatique signé par Manning --celui-ci a été brûlé-- qui pourrait éventuellement montrer qu'il savait qu'il ne pouvait installer ce logiciel, a avancé la défense.

Par ailleurs, l'accusation a présenté à la juge militaire l'autorisation de procéder à un contre-interrogatoire, dit de «réfutation», de plusieurs témoins de la défense. Cette possibilité existe dans le droit américain pour des points précis du témoignage sur lesquels le camp adverse souhaite des clarifications.

La juge Denise Lind a fait droit aux contre-interrogatoires de trois témoins qui se tiendront à partir de jeudi.