Bradley Manning, le soldat américain accusé d'être la «taupe» de WikiLeaks, a eu un comportement suicidaire qui justifiait le régime ultra-sévère de sa détention, a assuré mercredi un ex-responsable de la prison où il était enfermé.

David Coombs, l'avocat de Manning, qui encourt la perpétuité pour avoir transmis au site WikiLeaks entre novembre 2009 et mai 2010 des milliers de documents secrets américains, assure que son régime carcéral durant neuf mois constituait une «punition illégale préventive» proscrite par le code militaire. Il demande pour cela l'abandon de toutes les charges.

Lors d'une audience préliminaire au procès du soldat américain de 24 ans qui s'ouvrira en mars, le sergent Brian Papakie, ancien supérieur de la prison de Quantico en Virginie a assuré mercredi que son comportement était «sporadique» entre juillet 2010 et janvier 2011.

Incarcéré au début sous surveillance maximale anti-suicide, l'ancien analyste du renseignement en Irak avait été maintenu dès janvier sous le régime de «Prevention of Injury» (POI), également réservé aux détenus suicidaires, et particulièrement sévère. Et ce, malgré les avis médicaux qui estimaient ce statut injustifié.

Pour éviter qu'il ne se fasse du mal ou ne tente de s'enfuir, Manning était ainsi incarcéré dans une toute petite cellule et ne pouvait voir la lumière naturelle que vingt minutes par jour.

Pour Brian Papakie, le soldat «parlait parfois beaucoup, parfois très peu». Dès janvier 2011, «son comportement a changé drastiquement», après un incident hors de sa cellule au cours duquel il est tombé, comme pris d'une «crise de panique»: il a fait alors preuve d'un «manque inquiétant de communication».

«Vous étiez au courant que les docteurs avaient estimé que le comportement (de Manning) était normal pour quelqu'un qui reste 23 heures par jour dans une cellule?», lui a demandé Me Coombs. «S'il s'agissait d'un comportement normal, alors je n'en ai jamais vu de la sorte en prison», lui a répondu Brian Papakie.

Tout au long de l'audience, Bradley Manning --qui s'acharne à répéter qu'il ne comprend pas la raison de son maintien sous un tel régime de détention-- est resté concentré les bras croisés, prenant parfois des notes. Lors de son tout premier témoignage à la barre la semaine dernière, il avait assuré que s'il avait bien pensé «quelques fois» au suicide, il avait «vite abandonné».

Durant son témoignage, le sergent Brian Papakie s'est par ailleurs excusé pour une expression malencontreuse utilisée dans un rapport interne. Le prisonnier ayant été forcé pour des raisons de sécurité de retirer ses sous-vêtements toutes les nuits dès mars 2011, s'est retrouvé entièrement nu à la vue d'autres prisonniers, conduisant le sergent Papakie à réclamer: «Assurez-vous de lui faire retirer ses sous-vêtements juste avant qu'il se couche» au moment de l'extinction des feux, avait-il écrit.

Mercredi, il a assuré avoir utilisé le mot «sous-vêtements» de manière non professionnelle mais en aucun cas pour se moquer de l'homosexualité du prisonnier.

Dans des documents judiciaires, l'avocat de Manning avait déjà fait allusion à la possibilité que son client ait pu être victime d'homophobie lors de sa détention.