Julian Assange a trouvé refuge le 19 juin à l'ambassade d'Équateur à Londres et son éventuelle exfiltration, dans le cas où Quito déciderait de lui accorder l'asile politique, a des allures de vrai casse-tête selon les experts interrogés par l'AFP.

Tant qu'il se trouve dans l'enceinte de l'ambassade, le fondateur de WikiLeaks est en territoire diplomatique et donc hors de portée des forces de l'ordre. Mais il pourrait être arrêté à sa sortie, Scotland Yard ayant indiqué qu'il avait violé les règles de sa liberté conditionnelle.

«Je présume que si l'asile ne lui est pas accordé, il quittera l'ambassade et sera arrêté», avait reconnu le porte-parole de WikiLeaks Kristinn Hrafnsson. Reste que dans le cas inverse, Assange pourrait aussi être arrêté.

Une présence policière discrète est d'ailleurs maintenue aux abords du bâtiment où Assange est terré depuis mardi après-midi, dans le quartier chic de Knightsbridge.

Julian Assange était en résidence surveillée depuis son interpellation à Londres fin 2010. Il a épuisé tous les recours juridiques au Royaume-Uni pour éviter une extradition en Suède, afin d'y répondre d'accusations de viol et agressions sexuelles qu'il récuse. De crainte d'être ultérieurement livré aux États-Unis, où il redoute la peine de mort.

Sa décision-surprise de se réfugier à l'ambassade d'Équateur pourrait toutefois ressembler à une impasse.

Pour l'avocat Carl Gardner, «le fait qu'on lui accorde l'asile politique ne veut pas dire qu'il peut voyager vers un autre pays sans être arrêté». «Il n'est pas du tout évident qu'il puisse gagner l'Équateur».

Paul Whiteway, du cabinet d'avocat Independent Diplomat consultancy, estime qu'Assange pourrait même être interpellé avant de quitter le bâtiment victorien situé face au magasin Harrods.

«L'inviolabilité de l'ambassade devrait s'étendre à son mode de transport, mais même s'il parvenait à s'engouffrer dans une voiture, que se passerait-il à l'autre bout? Comment pourrait-il accéder à un avion sans être arrêté?»

Dans un scénario rocambolesque, Assange pourrait quitter la Grande-Bretagne à bord d'un sac ou réceptacle estampillé «valise diplomatique».

Dans un cas célèbre en 1984, le gouvernement nigérian avait tenté de kidnapper l'ancien ministre Umaru Dikko et de l'acheminer de Grande-Bretagne au Nigeria en le dissimulant dans une caisse, mais le subterfuge avait échoué.

Carl Gardner juge l'idée de la dissimulation dans un sac ou tout autre réceptacle comme relevant de la «pure fiction». Mais il propose une autre solution, non moins rocambolesque. «L'Équateur pourrait -même si cela a l'air fou- le nommer comme un de ses représentants aux Nations unies», suggère-t-il.

Dans cette option «hautement créative», reconnaît-il, la loi internationale le protégerait dans son voyage vers l'ONU à New York, puis vers son poste en Équateur.

Mais «de son point de vue, il se jetterait dans la gueule du lion», admet-il, compte tenu de la crainte avérée d'Assange de poursuites aux États-Unis.

Pour Paul Whiteway, la Grande-Bretagne fera tout pour empêcher le départ d'Assange pour Quito, de peur de créer un précédent.

«Cela pourrait ouvrir les vannes à d'autres personnes qui pourraient fuir les tribunaux britanniques en demandant l'asile dans une ambassade étrangère», a-t-il estimé.

Le président équatorien Rafael Correa a annoncé qu'il prendrait «le temps nécessaire, car il s'agit d'une affaire très sérieuse que nous assumons avec une responsabilité totale».

Dans des cas extrêmes, des demandeurs d'asile son restés terrés dans des ambassades pendant des années. En 1956, les États-Unis ont accueilli à leur ambassade à Budapest le cardinal Jozsef Mindszenty, qui y est resté jusqu'en 1971.