Le président équatorien Rafael Correa a annoncé qu'il prendrait «le temps nécessaire» pour répondre à la demande d'asile déposée par le fondateur australien du site WikiLeaks Julian Assange, réfugié dans l'ambassade d'Équateur à Londres pour échapper à son extradition vers la Suède et qui est depuis mercredi au centre de tractations diplomatiques.

«Nous prendrons le temps nécessaire car il s'agit d'une affaire très sérieuse que nous assumons avec une responsabilité totale», a déclaré M. Correa à la chaîne latino-américaine Telesur depuis Rio de Janeiro où il participe au sommet de l'ONU sur le développement durable.

M. Correa a également souligné que son pays s'inquiétait du «danger d'une condamnation à mort du fondateur de WikiLeaks aux États-Unis. «Dans notre Constitution, la peine de mort n'est pas permise», a-t-il souligné.

Peu auparavant, dans une interview diffusée par la télévision publique australienne ABC, le vice-ministre équatorien des Affaires étrangères, Marco Albuja, avait annoncé qu'une décision serait prise dans les 24 heures.

Le ministère britannique des Affaires étrangères a de son côté annoncé mercredi être en «discussion» avec les autorités équatoriennes.

L'ambassadeur d'Équateur, Mme Anna Alban, a pour sa part évoqué des discussions «cordiales et constructives» après une rencontre dans la matinée au Foreign Office. La décision de son pays «prendra en compte la tradition équatorienne de soutien aux droits de l'homme», a-t-elle indiqué dans un communiqué, ajoutant «qu'il n'était pas dans l'intention» de son gouvernement «d'interférer avec les procédures des gouvernements britannique ou suédois».

Des négociations pourraient aussi impliquer la Suède pour que ce pays s'engage à ne pas remettre Julian Assange aux États-Unis, comme le craint le cybercombattant âgé de 40 ans, a estimé Helena Kennedy, avocate qui a conseillé dans le passé l'équipe de défense de l'Australien.

Si les Équatoriens obtiennent une telle garantie, «je pense qu'ils n'auront pas d'objection à le laisser partir pour la Suède», a-t-elle affirmé à la BBC.

Julian Assange a pris de court tout le monde, y compris ses partisans, en se réfugiant mardi soir à l'ambassade d'Équateur. Un rebondissement qui intervient alors qu'il a épuisé tous les recours juridiques au Royaume-Uni pour éviter son extradition vers la Suède, après un marathon judiciaire de 18 mois.

«Je ne peux pas imaginer que l'Équateur va lui accorder l'asile», a estimé l'avocat des plaignantes suédoises Claes Borgstroem, pour qui il s'agit d'«une nouvelle tentative pour arrêter ou retarder l'examen légal auquel il doit se soumettre en Suède pour que justice soit rendue».

L'extradition d'Assange n'était plus qu'une question de jours, selon Helena Kennedy.

«J'ai été surpris», a reconnu Vaughan Smith, un ancien journaliste qui a hébergé pendant des mois Julian Assange. «Je pense qu'il craint pour sa vie et il craint que s'il va en Suède, il sera envoyé en Amérique», a-t-il réagi mercredi sur la BBC.

Les États-Unis ont dit mercredi ne pas être impliqués dans les tractations au sujet du fondateur de WikiLeaks. «À ma connaissance, nous ne sommes pas impliqués dans les discussions», a déclaré Victoria Nuland, la porte-parole du département d'État. «Ce sujet concerne le Royaume-Uni, l'Équateur et la Suède», a souligné Mme Nuland à Washington.

Julian Assange doit être entendu en Suède dans une affaire de viol et d'agression sexuelle présumés, accusations qu'il a toujours catégoriquement niées, affirmant que les relations étaient consenties.

Depuis que l'affaire a éclaté fin 2010, au moment où son site internet WikiLeaks publiait des documents diplomatiques confidentiels américains, il ne cesse de répéter qu'il est victime d'un complot des États-Unis. Son inquiétude, selon ses avocats, est que la Suède l'extrade aux États-Unis, où il pourrait encourir la peine de mort pour espionnage.

L'Équateur lui avait proposé de l'accueillir dès novembre 2010, au moment où il avait provoqué le courroux de Washington en publiant nombre de télégrammes diplomatiques.

Mercredi à Londres, devant l'ambassade d'Équateur, dans le quartier chic de Knightsbridge, une dizaine de partisans brandissaient des pancartes «Libérez Assange».

«Je pense que les Américains et beaucoup d'autres veulent le réduire au silence», assure Belgica Guana, une Équatorienne vivant au Royaume-Uni.

Un collectif hispanophone a lancé mercredi une campagne sur internet en faveur du droit d'asile en Équateur pour Julian Assange. «Demandez au gouvernement d'Équateur d'accepter la demande d'asile de Julian Assange», tel est le slogan affiché par le site oiga.me («écoutez-moi»), qui regroupe des réseaux sociaux, des syndicats et des ONG d'Amérique latine et d'Espagne.

Sur le plan juridique, Assange est désormais «passible d'arrestation» en Grande-Bretagne pour avoir enfreint les dispositions de sa liberté conditionnelle, a indiqué Scotland Yard.

Il est notamment soumis à un couvre-feu, doit résider à une adresse prédéterminée et se présenter quotidiennement à un commissariat de police. Le bracelet électronique qu'il doit porter en permanence l'empêche théoriquement de prendre la fuite.